La censure de la taxe à 75% sur les très hauts revenus marque-t-elle une évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ? C’est en tout cas ce qu’a affirmé Jérôme Cahuzac le 6 janvier sur Europe 1. Le ministre du Budget expliquait que le Conseil constitutionnel ne raisonnait plus "imposition par imposition" pour estimer à quel niveau l’impôt devient confiscatoire, mais"toutes contributions confondues"– le juge situant ce niveau aux alentours de 75%.
Si on lit bien les considérations du Conseil constitutionnel, le taux maximal, toutes contributions confondues, doit être de 75%.
D’ailleurs, il m’a semblé comprendre que le Conseil faisait évoluer sa jurisprudence car jusqu’alors c’était imposition par imposition qu’il estimait que le taux ne devait pas être confiscatoire. Avec sa décision, il a décidé qu’on ne pouvait pas atteindre un taux confiscatoire en mettant bout à bout toutes les contributions.
C’est aussi ce qu’a noté le constitutionnaliste Guy Carcassonne dans un article publié sur le site du Huffington Post. Lorsque l’on analyse l’ensemble des décisions prises par les Sages fin décembre 2012, on voit que des règles de plafonnement ont été créées par le Conseil pour ne plus imposer les revenus au-delà d’un certain seuil.
Une évolution notoire de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que son président Jean-Louis Débré a confirmé sur l’antenne de Radio Classique / Public Sénat, lundi 7 janvier. Sans entrer dans les détails - devoir de réserve oblige - il a souligné que le Conseil voulait éviter un taux d’imposition "excessif".
Autrement dit : confiscatoire.
Nous avons cru devoir faire ce que nous avons fait... pour éviter les impositions excessives.
Jean-Louis Debré indique même que cette délibération s’inscrit dans une évolution générale de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel :
La décision du Conseil comporte un certain nombre de principes que nous avons affirmé... et ces principes nous n’entendons pas les modifier c’est notre jurisprudence, et nous garderons cette jurisprudence.
Les Sages avaient déjà mis en garde le gouvernement et les parlementaires le 9 août 2012, lors de l'examen de la loi de finances rectificatives de 2012, en précisant qu’un alourdissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui serait "permanent et non exceptionnel" , devrait être "assorti d’un plafonnement".
Le message adressé aux parlementaires et au gouvernement est donc très clair : il faut prévoir des règles de plafonnement.
Dans le cas contraire: censure.
En conclusion, Jean-Louis Debré remarque d’ailleurs que :
Le ministère des finances, le gouvernement et les politiques ont très bien compris qu’il y avait une évolution de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et que c’était pour nous devenu notre jurisprudence.