"J'éprouve un certain vertige à l'idée qu'on puisse détenir le pouvoir. Je nous sens pas prêts." S'il a le mérite de l'honnêteté, le propos a de quoi étonner dans la bouche d'un responsable politique. Il est vrai qu'il vient d'un élu pas tout à fait comme les autres : François Ruffin, député de La France insoumise, habitué des déclarations et prises de position à contre-courant des discours majoritaires, y compris ceux de sa propre formation.
Le rédacteur en chef du journal Fakir le disait dans son "point hebdomadaire" vidéo publié jeudi 23 novembre, pointant notamment le manque de "techniciens" aujourd'hui en place dans les administrations et sur lesquels LFI pourrait s'appuyer pour appliquer un "programme de transformation" de la société (à partir de 15') :
Alexis Corbière n'est pas en phase avec cette crainte. Sur Europe 1 mardi 28 novembre, le député LFI de Seine-Saint-Denis assure au contraire que lui et ses troupes sont tout à fait prêts à "gouverner demain". Il dit :
"Oui ! Oui oui, il faut le dire clairement. Nous avons aujourd'hui des parlementaires, nous avons nombre de hauts fonctionnaires qui nous aident. Écoutez, ça serait une expérience extraordinaire pour ce pays, moi je crois être en capacité de pouvoir le faire. Bien sûr, il y aura quelque chose de nouveau qui se mettra en oeuvre.
"
Puis, relancé sur les propos déroutants de son camarade François Ruffin, Alexis Corbière les minimise, joue sur l'humour et la "modestie" de son collègue. Et tout en concédant que son mouvement rencontrerait d'"énormes difficultés" s'il arrivait au pouvoir demain, il assure qu'il n'est pas "moins préparé" que d'autres, comme LREM dont on a pu constater un certain amateurisme en début de législature (et parfois encore aujourd'hui) :
"- Alexis Corbière : Oui parce que c'est un garçon modeste qui, lui, n'est pas dans la volonté tout le temps... Évidemment il est face aux difficultés, et ça serait d'énormes difficultés, sans aucun doute. Pour autant, n'en tirons pas la conclusion que d'autres seraient plus préparés que nous. Pardon, quand je vois ce qu'il se passe ou ce qu'il s'est passé précédemment... De quoi parlons-nous ? Du fait que La France insoumise... et vous verrez que si nous arrivions aux responsabilités, beaucoup de gens de bonne volonté qui occupent des responsabilités dans la haute administration viendraient nous aider. Après que François Ruffin, qui est un garçon formidable...
- Journaliste : Vous lui dites : 'François, t'es trop modeste' ?
- Alexis Corbière : Oui, mais c'est ce qui fait sa marque, c'est un gentil garçon et je trouve que beaucoup de gens... peut-être que moi, avec d'autres, je suis un peu des fois dans le côté démonstratif et il faut être entraînant, mais j'apprécie aussi que quelqu'un dise : 'Moi je trouve que la marche est haute'. Mais t'inquiète pas François, si les Français nous font confiance, on y arrivera ! Et il y aura des difficultés, et il faudra venir nous aider [...] Tous les talents seront les bienvenus, on y arrivera.
"
Et voici ce que François Ruffin expliquait plus en détail :
"La France insoumise peut être reconnue comme la première force d'opposition et en même temps, je sus pas sûr que les gens nous donne les clefs du pays volontiers pour le gouverner. Ils doivent se dire quelque part 'ils sont pas prêts, ils sont pas à la hauteur'. Je sens quelque chose comme ça quoi. On est bien en opposition, on est très bien là, mais... et moi-même, j'éprouve un certain vertige à l'idée qu'on puisse détenir le pouvoir, je nous sens pas prêts. Pourquoi ? Parce que le défi qu'on aurait en face de nous, il est colossal. Qui sont les techniciens sur lesquels on va pouvoir s'appuyer ? C'est pas les technos de Bercy, les inspecteurs des finances, qui vont être volontiers pour un programme de transformation avec La France insoumise. Donc là, je pense qu'il y a un obstacle qui est fort, il y a un défi qui est majeur : il va falloir affronter le Sénat en même temps, le Medef, les médias, la Commission européenne, la Banque centrale, le Conseil constitutionnel... On va être dans une situation conflictuelle vachement forte avec des gens qui seront pas préparés à ce niveau de pouvoir, de responsabilité. Donc vraiment, pour moi c'est vertigineux l'idée de dire que demain, nous gouvernons.
"