Daniel Cohn-Bendit a-t-il soudainement viré sa cuti, sur le traité budgétaire européen ? C’est ce qu’ont affirmé François de Rugy et Eva Joly, les 24 et 25 septembre.
L’ancienne candidate à la présidentielle est même allée jusqu’à dégainer une preuve : une lettre datant de février 2012 dans laquelle Daniel Cohn-Bendit demande aux eurodéputés Verts de ne pas soutenir le traité.
Farouche opposant sous l’ère Sarkozy, Daniel Cohn-Bendit est à présent un des rares chez EELV à faire campagne pour le "oui". Le Lab revient sur son changement de cap.
[Article mis à jour le 25 septembre à 12h30]
"Nous n'apporterons pas notre soutien au traité"
Sur Libération
Alors que le conseil fédéral d’Europe Ecologie-Les Verts a demandé à ses élus de ne pas ratifier le traité budgétaire européen, Daniel Cohn-Bendit, grand partisan du "oui", critique l’ "incohérence" de ses camarades et menace de quitter le parti. Le 24 septembre sur Canal Plus, François de Rugy a donc décidé de rappeler à l’eurodéputé ses prises de position passées :
"
Je note que sur le fameux traité, c’est lui qui a parlé de traité Merkozy et il était contre.
Au printemps, il nous disait qu’il fallait voter contre. Il a changé d’avis, il estime maintenant que c’est fondamental.
"Même accusation le lendemain sur RTL dans la bouche d’Eva Joly, arrivée preuve à l’appui :
"
J’ai ici une lettre écrite au mois de février (…) Daniel Cohn-Bendit n’est pas cohérent avec lui-même.
Au mois de février 2012, il a lancé un appel à tous les Verts européens pour ne pas le voter et aujourd’hui il a changé de position. S’il y en a un qui n’est pas cohérent, ce n’est pas moi.
"Qu'a dit Daniel Cohn-Bendit ? Les archives sont faciles à retrouver : du temps de Nicolas Sarkozy, l’eurodéputé est intervenu de nombreuses fois pour dire tout le mal qu’il pensait du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’union européenne (TSCG).
Le 8 décembre 2011, il signe une tribune avec Eva Joly pour dénoncer le traité "Merkozy" qui "propose à l’Europe une union budgétaire boiteuse qui a pour seul horizon la sanction automatique".
En janvier 2012, il estime également dans Libération :
"
On négocie un traité dont on n’a pas besoin parce que les Etats ont décidé qu’on en avait besoin. (…) Tel qu’il est, ce traité est à la fois insuffisant et même dangereux.
"La lettre brandie par Eva Joly, que s’est procuré lejdd.fr, apporte un élément supplémentaire : le 9 février 2012, Daniel Cohn-Bendit a bien écrit aux eurodéputés écologistes pour leur demander de "ne pas soutenir" le TSCG qu'il juge inutile. A la place, il préconise d’exploiter pleinement les "lois européennes déjà existantes" et de tout mettre en œuvre pour "réviser le traité".
Même opposition le 25 février dans une tribune collective consacrée au Mécanisme européen de stabilité, que l’on peut trouver sur le site de Daniel Cohn-Bendit . Entre deux paragraphes, il glisse :
"
Nous sommes contre le TSCG, nous l’avons combattu (…) Une fois le TSCG rejeté, il faudra le renégocier.
"Et puis, après l’élection de François Hollande, tout change. Le 11 septembre, dans une interview pour Libération, le discours est différent :
"
Ce traité est une déclaration de politique générale. Il dit : premièrement, nous allons rétablir l’équilibre de nos finances publiques. Et deuxièmement, nous allons travailler à la convergence de nos politiques économiques.
"
D’où vient ce changement de ton ? François Hollande n’a pourtant pas renégocié le TSCG , ou pacte budgétaire, qui imposera aux pays signataires de ne pas dépasser un déficit structurel de 0.5% de son PIB. Ce volet budgétaire est mot pour mot celui négocié par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel et signé le 2 mars. C’est d’ailleurs ce que la majorité des écologistes lui reproche.Daniel Cohn-Bendit, lui, s’attache au pacte de croissance ajouté sous l’impulsion de François Hollande les 28 et 29 juin à Bruxelles [consultable ici ]. C’est la nouveauté par rapport au traité "Merkozy", un volet consacré à la relance dans les pays de l’UE que se sont engagés à mettre en place le Parlement européen, la Commission européen et le Conseil européen.
On y trouve quelques éléments réclamés par Daniel Cohn-Bendit sous l’ère Sarkozy:
- - Un pacte de relance : 120 milliards d'euros débloqués pour soutenir de grands projets (soit 1% du PIB européen)
- - La promesse d’adopter une taxe sur les transactions financières européenne d’ici à la fin 2012
On reste cependant loin des doléances de l’eurodéputé qui milite pour beaucoup plus de fédéralisme. Manquent au rendez-vous :
- - une augmentation conséquente du budget européen (que Daniel Cohn-Bendit espère pouvoir négocier dans un second temps)
- - l’émission d’eurobonds par un Trésor commun à la zone euro
- - une véritable harmonisation fiscale
Mais les "ajouts hollandais" suffisent dorénavant à Daniel Cohn-Bendit :
"
Je dis votez oui, parce qu’on va ensuite pouvoir faire de la politique. (…)
Ce n’est pas le TSCG en soi qui est intéressant mais ce qu’on pourra faire après. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la négociation du budget européen.
"