L'autoproclamé État islamique a porté à son crédit l'attentat de Nice. Les experts du djihad le disent : l'organisation terroriste ne se livre pas à la revendication "opportuniste". La signature de l'attaque qui a fait 84 morts et plus de 300 blessés sur la Promenade des Anglais, le 14 juillet, est donc clairement identifiée, sans doute possible. Mais le profil du tueur et ses liens précis avec Daech posent, eux, question.
Un individu "sans doute lié à l'islamisme radical, d'une manière ou d'une autre", avait avancé Manuel Valls vendredi 15 juillet. Un homme qui a connu une "radicalisation très rapide", selon Bernard Cazeneuve. Cinq jours après les faits, l'enquête n'a cependant toujours pas permis d'éclaircir la façon dont ce basculement vers le djihadisme terroriste a pu s'opérer. Lors d'une conférence de presse lundi, le procureur de la République de Paris, François Molins, avait indiqué : "Aucun élément ne montre une allégeance à l'État islamique ni des liens avec des personnes se revendiquant de cette organisation". Dans Le Monde mercredi 19 juillet, Bernard Cazeneuve propose à son tour une analyse à ce sujet :
"L’attentat de Nice est, par sa modalité, le profil de son auteur, très différent de ce que nous avions vécu jusqu’à présent. À Nice, nous avons été confrontés à une violence pathologique qui a trouvé son assouvissement dans l’idéologie mortifère de l’EI.
"
"L"idéologie" au service de "l'assouvissement" d'un besoin "pathologique" individuel de "violence", donc. Et non l'inverse - la "violence" comme moyen d'imposer une "idéologie" -, qui correspond à ce que la France a connu lors des derniers attentats islamistes qui l'ont frappée. Une approche qui rappelle celle de Farhad Khosrokhavar, sociologue et directeur d'études à l'Ehess, spécialiste de l'islam en prison et des processus de radicalisation. Dans L'Express le 17 juillet, cet expert expliquait :
"Je ne pense pas que l'on soit face à une vraie radicalisation. L'élément idéologique est absent. Nous n'avons pour l'heure aucune preuve tangible de son allégeance à Daech. La vraie radicalisation, c'est celle des terroristes du 13 novembre : des individus qui ont été en Syrie, ont été entraînés, forment des groupes qui reviennent frapper la France. Dans le cas de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, elle apparaît métaphorique. C'est une radicalisation par mimétisme : il imite ce qu'il se passe car il est psychologiquement instable.
"
Un avis toutefois contrebalancé par d'autres, comme celui de David Thomson, journaliste à RFI et spécialiste du djihad :
Que cela plaise ou non, la bascule rapide dans l'idéologie jihadiste est une réalité forte de ce milieu/minhaj.
— David Thomson (@_DavidThomson) 19 juillet 2016
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait pour sa part offert cette grille de lecture : "Daech n'organise pas, Daech insuffle un esprit terroriste".
Auprès du Monde ce mercredi, Bernard Cazeneuve ajoute cet élément de réflexion :
"L’enquête en cours tend à montrer qu’il s’est très récemment radicalisé, et qu’il n’avait pas combattu aux côtés de l’organisation État islamique. D’ailleurs, cette dernière n’a pas revendiqué l’organisation de cet acte terroriste mais y a apposé a posteriori son logo.
"
Dans son communiqué de "revendication" de l'attentat, publié dimanche via son agence de propagande, Amaaq, Daech affirmait que le tueur de Nice "était un soldat de l'État islamique." L'organisation se targuait d'un "nouveau" mode opératoire, celui du poids lourd lancé sur la foule. Le groupe terroriste affirmait que l'attaque venait "en réponse aux appels de l'État islamique à prendre pour cible les pays faisant partie de la coalition" internationale qui le combattent en Irak et en Syrie.