La commission spéciale du Sénat sur la loi prostitution perd son président à deux semaines de l'examen du texte. Jean-Pierre Godefroy a annoncé le 17 mars au groupe socialiste son retrait, une information confirmée au Lab par l'entourage du sénateur et publiée également par Libération .
Ce dernier ne souhaite pas en dire plus sur les raisons de son départ. Son entourage concède au Lab un laconique :
"Sa démission tient lieu d'explication. Il n'en dira pas plus.
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Selon des sources proches du dossier, ce retrait est le reflet d'un désaccord entre le désormais ex-président de la commission, les auteurs de la proposition de loi et le gouvernement. Ces deux derniers sont en effet favorables à la pénalisation du client. Pas le sénateur.
Début juillet 2014, la commission spéciale, divisée sur le sujet, supprime justement l'article punissant l'achat d'acte sexuel . Après ce rejet, Jean-Pierre Godefroy explique alors que "permettre le racolage passif [un autre point de la proposition de loi, ndlr] et en même temps condamner les clients est une distorsion d'ordre juridique", et que "l'essentiel est d'être inhospitalier avec les réseaux".
Les 30 et 31 mars prochains, le texte arrive ainsi au Sénat amputé de cette mesure phare que le gouvernement et certains membres du PS comptent bien réintégrer. Dès lors, l'image d'un président de commission opposé à l'exécutif et à son propre parti peut faire tâche. Un statut de "frondeur" que n'a pas voulu endosser Jean-Pierre Godefroy, selon une parlementaire :
"Il aurait été contre la position du gouvernement, il a voulu s'éviter ça. Il a compris qu'il n'avait pas de marge de manœuvre, il n'a pas voulu apparaître comme un frondeur.
"
Un membre de la commission spéciale tient à souligner que le sénateur est "un des rares à avoir travaillé sur la situation sociale des prostituées" mais qu'avec son opposition à la pénalisation du client, il allait se retrouver dans le débat "aux côtés des anti-pénalisation qui le sont pour des raisons différentes". "Une position inconfortable", ajoute-t-il. Le sénateur est en effet membre de la délégation aux droits des femmes à la chambre haute et a notamment dirigé avec l'UDI Chantal Jouanno une mission sur le sujet.
Le gouvernement avait annoncé sa volonté d'abolir la prostitution dès juin 2012 par la voix, critiquée , de Najat Vallaud-Belkacem. Depuis, le texte proposé par les parlementaires socialistes pour lutter contre le système prostitutionnel est passé par plusieurs concessions. Malgré un article relatif à la pénalisation du client, ces derniers ont ainsi échappé à la case prison , une peine jugée trop radicale par l'exécutif.
Le Sénat voudrait supprimer purement et simplement l'interdiction d'achat d'acte sexuel. Le gouvernement compte la remettre à l'ordre du jour par le biais d'un amendement les 30 et 31 mars prochains. Le groupe socialiste au Sénat n'a pas encore pris officiellement position. Avec la démission de Jean-Pierre Godefroy, l'exécutif s'offre un opposant de poids en moins.