"Cellule de sport" d'Abdeslam : "En colère" contre les "fausses idées", Georges Fenech (LR) appelle médias et politiques à la "responsabilité"

Publié à 12h41, le 06 juillet 2016 , Modifié à 13h23, le 06 juillet 2016

"Cellule de sport" d'Abdeslam : "En colère" contre les "fausses idées", Georges Fenech (LR) appelle médias et politiques à la "responsabilité"
Le député LR Georges Fenech © DOMINIQUE FAGET / AFP

POINTS SUR LES I - Depuis lundi, Georges Fenech multiplie les interventions médiatiques. Le député LR, président de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015 en France, vient de rendre ses conclusions après cinq mois d'auditions. Mais un autre sujet est venu se télescoper avec cette actualité très attendue : la polémique sur la "cellule de sport" dont Salah Abdeslam, seul auteur présumé survivant des attentats du 13 novembre, bénéficierait (lui et lui seul) durant sa détention à Fleury-Mérogis.

Georges Fenech est aussi ancien juge d'instruction. Autant dire qu'il est connaisseur du sujet à plusieurs titres. Et il ne décolère pas contre "le traitement médiatique" de cette histoire et les propos de certains de ses collègues parlementaires, surtout dans sa famille politique, au sujet de cette "cellule de sport". Il a tenté de remettre quelques idées en place sur BFMTV lundi soir, puis a laissé poindre un agacement certain sur LCI ce mercredi. Joint par Le Lab, il ne se cache pas :

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Je suis en colère parce qu'on laisse accréditer l'idée que Salah Abdeslam serait le roi de la prison, avec un régime de détention tout à fait privilégié, ce qui n'est pas du tout le cas.



Je me mets aussi une demi-seconde à la place des familles des victimes, qui entendent tout ça et se disent : 'On privilégie les assassins de nos enfants'. C'est un coup de poignard, c'est très grave de conséquences.

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Selon lui, ceux qui développent ce discours prennent le risque de "jeter à l'opinion une fausse idée", mais aussi de "jeter un grave discrédit sur la justice et les institutions judiciaire et pénitentiaire". Il prévient :

 

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Il faut être responsable.

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Depuis trois jours, il martèle ce qui suit et qui n'est clairement pas partagé par tout le monde : il n'y a "aucun scandale" dans les conditions de détention du terroriste présumé, qui ne bénéficie que de la jouissance de ses droits garantis par la Constitution, comme n'importe quel autre détenu en France. Enfilant sa casquette de juge d'instruction, il explique :

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Salah Abdeslam est placé à l'isolement total. C'est très différent d'une simple mise à l'écart. Le régime de l'isolement est décidé par décision de justice, prise de manière rarissime. J'ai moi-même eu à en prononcer. Cela signifie que le détenu ne peut être en contact avec strictement personne, hormis évidemment le personnel pénitentiaire. Dans nos prisons aujourd'hui, cela se traduit par une installation dans une cellule sans autre détenu dans celles d'à-côté pour éviter qu'il puisse communiquer de quelque manière que ce soit.



Et un détenu, quel qu'il soit, a des droits : la liberté d'exercer sa religion, la santé, ou encore pratiquer une activité sportive. C'est comme ça, c'est notre démocratie. Et heureusement que nous la gardons et que nous ne revenons pas à des choses comme l'enchaînement ou autre !

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Les révélations en question sont venues du député LR Thierry Solère, qui a pu visiter Fleury-Mérogis en compagnie de deux journalistes du JDD, comme la loi y autorise les parlementaires depuis très peu de temps. Seul l'élu a pu visiter le quartier où Salah Abdeslam est tenu à l'isolement. Il a donc raconté à l'hebdomadaire ce qu'il y a vu. Le JDD a ensuite décrit l'environnement de Salah Abdeslam comme suit :

 

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Quatre cellules ont été aménagées pour sa venue. Deux à son usage, une cellule A et une cellule B en cas de dégradation de la première. Dans une cellule au milieu des deux, un poste de surveillance vidéo. C'est là qu'un fonctionnaire veille 24h/24 pour observer le prisonnier et noter scrupuleusement tous ses faits et gestes. Une quatrième cellule a été transformée en 'salle sport spéciale', avec un rameur pour faire de l'exercice. Un autre équipement de musculation est commandé...

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Une "source pénitentiaire" affirme cependant à L’Express que cette cellule aménagée "n'a pas été crée spécifiquement pour" Salah Abdeslam.

Dans le même temps, Thierry Solère a écrit un courrier au ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, qu'il a également publié sur Twitter, pour "s'étonner" de l'existence de cette "cellule [qui] été transformée en salle de sport" et du fait que "son usage [soit] exclusivement réservé à cet individu." Il dénonçait parallèlement la surpopulation carcérale qui, à Fleury comme ailleurs, provoque des conditions de détention critiques, certains prisonniers devant notamment dormir sur des "matelas à même le sol".

De là est montée la polémique, alimentée à coup d'indignation médiatique par d'autres élus comme Nicolas Dupont-Aignan, Gilbert Collard, François Fillon ou Éric Ciotti. "On balance ça brutalement dans Le JDD", peste Georges Fenech. Il estime que la démarche de Thierry Solère - sur qui il "ne veut pas jeter la pierre" et dont il tient à préciser qu'il est "un ami" pour lequel il a "beaucoup de respect" - vient peut-être à la fois d'un défaut de connaissance des sujets pénitentiaires et d'un manque de prudence dans cette possibilité donnée aux parlementaires d'effectuer ces visites de prison. "Thierry Solère a fait son devoir de parlementaire consciencieux, estime Georges Fenech. Il a écrit une lettre pour interroger le garde des Sceaux, justement parce qu'il n'avait pas tous les éléments en main. Ce qui me choque, c'est le traitement médiatique de cette interrogation." Il ajoute :

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On a ouvert un droit nouveau, celui pour les parlementaires d'aller dans les lieux de détention accompagnés d'un journaliste. Cela a été fait dans un souci de transparence, afin d'amener un regard extérieur sur la prison. C'était nécessaire, je m'en réjouis et j'avais bien sûr voté cette loi.



Mais on a peut-être manqué de pédagogie, tout le monde n'est pas forcément familiarisé avec ces questions de régime de détention et l'institution pénitentiaire. On a peut-être manqué de prudence et d'explication.

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"Thierry Solère n'a peut-être pas mesuré toutes les conséquences de son action", ajoute-t-il, même s'il "lui sait gré d'aller visiter les prisons, c'est important". Il conclut par cette mise en garde :

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Il faut faire très attention, quand on diffuse ce genre d'informations, à ne pas brouiller les choses et à ne pas introduire l'opinion en erreur, même involontairement.

 

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Et lorsqu'on lui demande s'il est prêt, dans les jours qui viennent, à continuer de diffuser son message à l'invitation des médias comme il le fait depuis le début de la semaine, il répond :

 

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Écoutez, là je rentre dans ma campagne lyonnaise pour le week-end. J'amène mon fils au stade ce soir pour la demi-finale de l'Euro, Galles-Portugal. Honnêtement, j'ai bien envie de tourner au moins provisoirement cette page...

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Du rab sur le Lab

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