PAS DE VACANCES POUR LES CUMULARDS - C'est les vacances, mais pas pour tout le monde. Ou en tout cas, certains n'hésitent pas à travailler un petit peu durant cette période de repos. Prenez les parlementaires de droite favorables au cumul des mandats, par exemple : il n'y a pas de raison pour qu'ils cessent leur combat durant l'été. Un certain nombre d'entre eux, députés et sénateurs LR, viennent ainsi de déposer, comme le note Libération jeudi 11 août, deux propositions de loi organique visant à s'arranger avec l'interdiction de cumuler un mandat parlementaire et un mandat exécutif local.
Le non-cumul, promesse de campagne de François Hollande, s'imposera à partir des élections législatives de 2017, comme le veut la loi promulguée en février 2014. On savait que les sénateurs LR préparaient un texte revenant en arrière, afin que le cumul soit de nouveau autorisé juste après les prochaines législatives en cas de victoire de leur camp. Il s'agit même d'une promesse que Nicolas Sarkozy a fait inscrire au "projet présidentiel" du parti début juillet. En voici donc la concrétisation.
# Une "exception" au non-cumul jusqu'en 2020
Ce texte, enregistré à la présidence du Sénat ce 8 août et présenté comme devant permettre "une entrée en vigueur progressive de l'interdiction pour un parlementaire d'exercer une fonction exécutive locale", vise en réalité à repousser la date d'application de la loi à 2020 (au moins). Leur argument : entre le vote de la loi et les législatives de 2017, ont eu lieu les municipales de mars 2014. À cette occasion, des parlementaires ont été élus maires et sont donc, avec la bénédiction des électeurs, en situation de cumul. Pour respecter cette loi de la gauche, ceux qui désireraient rester parlementaires devraient donc abandonner leur mandat local avant son terme - les municipales de 2020.
Les sénateurs LR proposent, pour remédier à cela, de tolérer le cumul jusqu'à cette dernière échéance :
"Il est proposé d'assurer une entrée en vigueur progressive de cette réforme, plus respectueuse des rythmes électoraux locaux, en permettant exceptionnellement au titulaire d'une fonction exécutive locale élu entre 2014 et l'entrée en vigueur de la réforme en 2017 de conserver au moins cette fonction, en parallèle d'un mandat parlementaire, jusqu'au renouvellement général suivant de l'assemblée délibérante de la collectivité.
"
"En ce cas, le bénéfice des indemnités afférentes aux fonctions électives locales seraient réduites et plafonnées", précisent-ils. Le texte de la proposition de loi déposée par les députés le 9 août n'est quant à lui pas encore disponible en ligne. Pour que ce plan fonctionne, il faudrait que le Sénat (à majorité à droite) vote le texte d'ici à la fin de la législature puis que l'Assemblée (aujourd'hui à gauche) lui emboîte le pas en cas d'alternance aux prochaines législatives.
# Sarkozy à la manœuvre ?
D'après Libé, c'est Nicolas Sarkozy qui "a fait déposer" ces textes. Fervent adversaire du non cumul, le président de LR toujours pas candidat à la primaire a fait inscrire dans le projet du parti pour 2017 (page 349) la promesse de revenir sur cette loi et d'autoriser le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat local. Le dépôt de ces deux textes, dans la continuité de cette proposition, serait ainsi un signal adressé aux parlementaires : un appel à le soutenir et à le parrainer, plutôt que ses concurrents opposés au cumul. Une manœuvre clientéliste, en somme.
Parmi les 79 sénateurs et 99 députés signataires de ces deux textes, on trouve de fait de très nombreux élus sarkozystes : le patron des députés LR Christian Jacob, le trésorier du parti Daniel Fasquelle, Éric Ciotti, Patrick Balkany, Laurent Wauquiez, David Douillet... Mais pas que. Il y a aussi quelques fillonistes (le président du Sénat Gérard Larcher, le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, Jérôme Chartier, Valérie Boyer, Dominique Dord), deux candidats à la primaire (Hervé Mariton et Jacques Myard), ainsi que la directrice de campagne de Jean-François Copé (Michèle Tabarot). En revanche, nulle trace, il est vrai, des camps Juppé, Le Maire ou NKM, avocats du non-cumul (quoique de façon alambiquée en ce qui concerne le maire de Bordeaux).
Si Nicolas Sarkozy himself est bien derrière cette offensive estivale pro-cumul, l'idée pourrait être la suivante : après la reconquête de l'Élysée, revenir définitivement sur la loi de 2014 une fois l'échéance de 2020 passée ou, si l'opinion est irrémédiablement opposée au cumul (comme c'est le cas aujourd'hui), s'arrêter là et appliquer le non-cumul. Mais en attendant, les élus concernés auront pu cumuler tranquillement trois ans de plus. Et ça sera "un peu grâce à Sarkozy", comme on dit.
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