Nous sommes en France en 2016, deux éléments plein de promesses qui pourraient laisser croire à un observateur peu averti que la pratique d'une religion dans le respect de la loi ne pose pas question. Mais les multiples attentats ont eu raison de la raison : des polémiques inattendues ont surgi , des politiques ont travesti la définition de la laïcité. On en a même entendu vouloir interdire le port de tout signe religieux dans l'espace public au nom de cette laïcité détournée…
Est-il donc vraiment étonnant de voir un député Les Républicains se demander très officiellement sous quelles conditions on peut être musulman et Français, comme si le fait de croire en Allah rendait impossible la vie en République ? C'est après tout la thèse de nombreuses personnalités de droite et d'extrême droite. Éric Zemmour, en pleine promo d'un livre qu'il n'a pas très bien relu , le répète à peu près partout ces temps-ci.
Fin août, Guillaume Larrivé, député LR de l'Yonne, a ainsi déposé une proposition de loi relative à la transparence de l’exercice public des cultes dont l'un des premiers objectifs est de dissoudre les "associations régies par la loi du 1er juillet 1901 assurant l’exercice public d’un culte" et d'interdire "tout financement direct ou indirect par des fonds étrangers d’une association régie par la loi du 9 décembre 1905".
C'est dans un long exposé des motifs de sa proposition de loi que Guillaume Larrivé pose cette question :
"À quelles conditions peut-on être à la fois musulman et Français ?
"
Une interrogation à laquelle l'élu LR commence par répondre en donnant des exemples, rappelant que de nombreux soldats musulmans ont combattu pour la France durant la Première Guerre mondiale. "Des musulmans ont vécu en Français au point de savoir mourir comme tels : Français, oui, par le sang versé", écrit Guillaume Larrivé. Ce premier exemple créé un sentiment étrange, comme si un musulman ne pouvait être français que s'il mourrait pour la France… Mais le député parle aussi des "milliers d’ouvriers maghrébins venus travailler dans les industries françaises des trente glorieuses". "Ces travailleurs d’hier, devenus les chibanis d’aujourd’hui, ont conservé discrètement leurs racines musulmanes et cherchaient à vivre paisiblement parmi les Français", ajoute-t-il.
Mais les temps ont changé et aujourd'hui, un député LR se pose la question de savoir sous quelle condition un musulman peut être Français. Il ajoute :
"La triste vérité est que la possibilité de vivre en Français et en musulman ne va, aujourd’hui, plus de soi ; c’est une réalité qui continue, certes, à être vécue tranquillement par un grand nombre de Français ayant une culture arabo-musulmane, une sensibilité et une pratique plus ou moins religieuses ; mais c’est précisément ce que contestent radicalement et violemment les tenants de l’islamisme, c’est-à-dire de l’islam politique. […] Aussi, la première condition d’une réponse nationale à la question musulmane doit être le refus absolu de l’islam politique, non seulement dans sa fin totalitaire mais aussi dans ses moyens préliminaires.
"
Le terme même de "question musulmane" interpelle. Sans vouloir céder à la tentation du point Godwin, il est étonnant de voir le mot "question" accolé à un adjectif qualificatif désignant une religion...
Cette base posée, Guillaume Larrivé s'indigne qu'en France, les esprits aient été "embrumés par l’obsession de la tolérance, qui se plaît à relativiser toute chose et à tolérer jusqu’à l’intolérable". "Cette idéologie se décline avec la stupide thèse 'pasdamalgamiste' qui consiste à bêler que l’islamisme n’a strictement, jamais, nulle part, aucun lien d’aucune sorte avec l’islam", poursuit-il, reprenant à son compte la critique du #PASDAMALGAME née sur les rives de l'extrême droite et largement répandue aujourd'hui à droite.
Que nous dit Guillaume Larrivé ? Que pour être musulman et Français, il faut être discret et refuser l'islam politique. En contrepartie, la France ne doit rien faire qui pourrait aller dans le sens d'une meilleure intégration de l'islam. Car ceci serait, pour lui, la porte ouverte à l'islam politique. Il poursuit :
"Nous ne partageons en rien l’avis de ceux qui, ayant plus ou moins lu Pierre Manent, voudraient que la République française reconnaisse comme telle une minorité musulmane et négocie un contrat avec l’islam en France, en acceptant des concessions et une sorte de partage entre notre loi et leur charia. Comme si la soumission était l’avenir et s’il fallait se résoudre à collaborer, en organisant le cloisonnement de l’espace public avant peut-être de négocier, demain, la taille de la burqa ou du niqab ! On ne s’opposera pas à ceux qui veulent gouverner au nom d’Allah en décidant de gouverner avec Allah.
"
L'élu établi ainsi une définition de la laïcité qui, il faut le reconnaître, correspond bien à la réalité : "l’autonomie du politique par rapport au religieux " et "le droit pour chaque personne d’exercer librement le culte de son choix, dans les limites de l’ordre public, lesquelles sont définies et contrôlées souverainement par l’État". Cela lui sert à justifier son refus de "l’emprise sociale de la charia". "À Rome, on vit comme un Romain, disait l’adage de nos Anciens. En France, on vit selon les lois de la France", assène Guillaume Larrivé.