Alors qu'une proposition de loi visant à lutter contre la prostitution va être discutée à l'Assemblée les 27 et 29 novembre, Ségolène Royal a estimé - tout en se disant favorable à la pénalisation du client prévue dans la loi - que ce n'était "pas le moment d'aller mettre le débat public sur une question comme celle-ci ", qu'il n'était pas "utile en ce moment de se disperser sur des sujets polémiques". Bref, ne parlons pas de prostitution maintenant.
Interrogée par le Lab sur cette prise de position lors du compte-rendu du conseil des ministres de ce 6 novembre, Najat Vallaud-Belkacem, qui a été sa porte-parole en 2007, a rappelé à la présidente de la région Poitou-Charentes qu'il ne s'agissait pas d'une "lubie soudaine" et qu'elle ne comprenait pas l'argument du "bon moment".
"Elle pose une question qui est celle du moment, du timing. (...) Je pense qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais moment pour ce type de projet.
Et ceux qui suivent ce sujet avec attention savent qu’une réflexion parlementaire est en cours depuis au moins 2011– au moment où il y a eu une résolution parlementaire votée à l’unanimité à l’Assemblée – et que donc porter ce sujet au débat en ce mois de novembre n’est pas une lubie soudaine.
C’est l’aboutissement d’un travail, qui a eu lieu, qui a été fait en profondeur.
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La ministre des Droits des femmes, qui a déjà salué les propositions de la députée PS Maud Olivier sur ce sujet, poursuit en se demandant comment on peut vouloir repousser une aide "aux plus défavorisés" :
"Et puis j’ai toujours trouvé un peu curieux l’argument qui consiste à dire "attendons une période plus prospère et plus florissante pour s'occuper des plus précarisés".
Les personnes prostituées font aujourd’hui partie des personnes les plus précarisées, victimes soit de la contrainte physique soit de la contrainte économique et, par définition, en période de crise, elles le sont plus encore.
Je pense que leur offrir des alternatives, ce qu’offre cette proposition de loi, est au contraire une grande ambition.
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La porte-parole du gouvernement note cependant que l'ex-candidate à la présidentielle s'est dit favorable au fait de sanctionner les clients de personnes prostituées, et s'en félicite :
"Elle dit d’abord qu’elle est favorable à l’idée de responsabiliser le client. Je trouve que c’est un élément intéressant à prendre en compte puisque c’est le principal point qui fait l’objet de débat.
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Les deux femmes politiques sont en revanche particulièrement opposées sur la question de l'abrogation du délit de racolage public, déjà supprimé par le Sénat mais qui doit également l'être par l'Assemblée.
Ségolène Royal s'est dit "radicalement hostile" à cette abrogation, expliquant que les prostituées allaient pouvoir "revenir dans la rue" et faire ainsi les beaux jours des proxénètes. La ministre lui répond alors :
"Elle dit (...) qu’elle est défavorable à l’abrogation du délit de racolage passif, qui pèse sur les personnes prostituées elles-mêmes. Mais en l’occurrence j’assume et nous assumons, les parlementaires qui ont mené ce travail assument, la position qui consiste à dire : "renversons le regard sur la prostitution".
Les personnes prostituées ne doivent plus être considérées comme des coupables mais comme des victimes et donc abrogeons tout ce qui les criminalise.
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