Faut-il "apprendre" à devenir un député de la majorité ?

Publié à 17h06, le 11 octobre 2012 , Modifié à 17h06, le 11 octobre 2012

Faut-il "apprendre" à devenir un député de la majorité ?
Jérôme Cahuzac est ovationné par les députés de gauche le 10 octobre 2012. (Maxppp)

GODILLOTS ? – "Ils n’ont pas encore intégré à ce jour les logiques et les cohérences majoritaires." La mise au point à destination des députés socialistes qui ont préféré conserver leur indépendance sur le vote du traité budgétaire européen est signée Bernard Cazeneuve.

Y a-t-il  dès lors un apprentissage spécifique pour devenir député de la majorité ? Le Perchoir s’est penché sur la question. Eléments de réponse.

 

  1. "Etre dans la majorité demande un minimum de maturité"

    En décembre 2011, un colloque du GEVIPAR organisé à l’Assemblée nationale, se penchait sur la thématique de l’opposition parlementaire. Invité, le constitutionnaliste Guy Carcassonne assénait qu’il existait "un bonheur d’être dans l’opposition" du fait que l’on y serait "globalement irresponsable". 

    En raisonnant par l’absurde, on peut se demander alors si le malheur réside dans la majorité. Aujourd’hui, la problématique se pose pour les élus socialistes. Un questionnement, et une cohérence, que résumait à sa manière, le « loyaliste » Malek Boutih, interrogé par FranceTV Info, au lendemain du vote sur le traité budgétaire européen :

    Vu de l’extérieur, les gens ne peuvent pas comprendre pourquoi certains ont voté pour, et d’autres contre. Ils ont voulu se donner l’image de bons députés indépendants, et nous faire passer pour les méchants députés…

    Etre dans la majorité pose ainsi clairement la question de la discipline de "responsabilité". Mardi 8 octobre, 29 députés PS ou apparentés y étaient confrontés et décidaient de s’abstenir ou de voter contre le traité européen malgré les menaces et les pressions (voir la lettre envoyée par Bruno le Roux à l’ensemble des députés socialistes). En toute indépendance. Au grand dam du président du groupe PS, Bruno Le Roux, et de Bernard Cazeneuve, ministre des Affaires européennes.

    Le lendemain matin, invité d’Europe 1, Bernard Cazeneuve livrait le fond de sa pensée :

    Ils arrivent, après dix ans d’opposition, dans une majorité.

    Ils n’ont pas encore intégré à ce jour les logiques et les cohérences majoritaires.

    Devenir un député de la majorité signifie-t-il donc fondamentalement devenir un député godillot, obéissant et servile envers son parti et le gouvernement ?

    Au Perchoir, le député marseillais Patrick Menucci explique que la discipline de groupe prend toute son importance une fois dans la majorité. Une conclusion qu’il tire de son expérience locale où la même logique s’applique selon lui : 

    Il y a une solidarité indispensable quand on est dans la majorité. Dans un groupe, il peut y avoir des positions divergentes, mais à la fin, c’est la position du groupe qui prime.

    Pour les "rebelles", qui rappellent l’individualité du vote des députés, l’indépendance et les convictions prédominent, malgré les risques de sanctions (moins de questions au gouvernement, pas de rapport ou de mission confiés…).

    Un noniste explique ainsi, à France TV Info :

    Si faire partie du groupe PS implique de renier toutes ses convictions et de fermer sa bouche pour ne surtout pas faire de vague, ce n’est pas ma conception du rôle du député.

    C’est en revanche la conception défendue par l’expérimenté député de Paris, Jean-Marie Le Guen, qui soutient la vision développée par Bernard Cazeneuve et intente un procès en immaturité envers ses jeunes collègues.

    Il confie ainsi au Perchoir :

    Je crois, comme Bernard Cazeneuve, qu’être dans la majorité, ça demande un minimum de maturité. Cela va de soi, mais, à l’évidence, encore un peu de progression dans cette maturité sera utile à la majorité.

    Pendant dix ans d’opposition, les élus socialistes n’ont eu de cesse de pointer du doigt le bloc trop uni de l’UMP qu’ils accusaient de godillot. La situation inversée, l’opposition s’en amuse.

    Comme Eric Ciotti, moqueur, dans les couloirs de l'Assemblée nationale :

    C’est compliqué pour eux. Ils ont besoin de beaucoup de formation par rapport à ce qu’ils ont défendu pendant la campagne et ce qu’on leur fait voter aujourd’hui. J’imagine que la séance de formation doit être longue.

    Et de poursuivre, répondant aux accusations dont son parti a été l’objet lorsqu’il était majoritaire :

    Godillots ? C’est un reproche que nous faisaient les socialistes. On regarde aujourd’hui avec une certaine délectation ce qu’il se passe en face, combien cette majorité a été cette semaine corsetée, combien il y a eu de pressions sur les députés socialistes qui ne voulaient pas voter le traité.

     

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