C'est une crainte formulée par certains et certaines, bruyamment exprimée dans la tribune publiée par Le Monde mardi 8 janvier et intitulée "Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle". Cette crainte, c'est celle que la lutte contre le harcèlement, le viol, les agressions conduirait à une détérioration des rapports entre les femmes et les hommes. "J'ai eu droit à des agressions, pas jusqu'au niveau où il faudrait aller déposer plainte puisque j'ai remis la personne à sa place mais j'ai été, oui, opportunée (sic) mais opportunée (re-sic) d'une manière telle que, à un moment, ça peut aussi engendrer des belles histoires", a ainsi estimé Nadine Morano mercredi, sur RMC, approuvant sans réserve la tribune publiée par Le Monde.
Mercredi, sur BFMTV, le porte-parole du FN Sébastien Chenu s'inquiétait lui aussi :
"N’aseptisons pas, dans notre société, les rapports entre les individus. Si aujourd’hui, il n’est plus possible de monter à deux dans un ascenseur sans imaginer être dénoncé sur Twitter, ça posera un problème pour notre société.
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La même idée a été formulée ce jeudi par Christophe Castaner sur franceinfo:. Le secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement n'en est pas à dire qu'importuner des femmes est acceptable. Il estime néanmoins que la tribune publiée par Le Monde et signée par plusieurs personnalités comme Catherine Millet ou Catherine Deneuve "pose un vrai problème". "C'est de savoir quelle est la limite d'une société qui est de plus en plus standardisée, où des mots sont interdits, où l'humour est interdit, où la blague potache peut être interdite", dit-il avant d'ajouter :
"À un moment donné, j'ai toujours peur de la standardisation des comportements, du modèle unique de comportements, une sorte d'américanisation que l'on connaît où jamais un homme ne peut prendre l'ascenseur avec une femme.
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Cette anecdote est parlante. Difficile de concevoir une société telle qu'un homme et une femme ne puissent pas se retrouver l'espace d'un instant dans un lieu clos sans qu'un soupçon d'agression ou de harcèlement ne pèse sur l'un des deux. Sauf que la réalité est *un tout petit peu* plus compliquée. C'est ce qu'est venu clamer Axelle Tessandier, ancienne déléguée nationale LREM :
"J’ai habité 5 ans aux USA. Où les femmes prennent l’ascenseur avec les hommes. Si on pouvait éviter les clichés, cela ne nuirait pas au débat, qui commence à peine.
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J’ai habité 5 ans aux usa. Où les femmes prennent l’ascenseur avec les hommes. Si on pouvait éviter les clichés, cela ne nuirait pas au débat, qui commence à peine https://t.co/1UO0IzcyO4
— Axelle TESSANDIER (@axelletess) 11 janvier 2018
Mais cet argument n'est pas neuf. En 2011, en pleine affaire DSK, plusieurs articles de presse avaient évoqué cette histoire, indiquant par-là que le directeur du FMI était visé par une affaire de mœurs dans un pays au puritanisme supposément exacerbé.
Pascal Bruckner l'avait écrit dans une tribune publiée par Le Monde en 2011. "Dès le début des années 90, pour tout professeur étranger venant enseigner à l'université, de strictes consignes furent édictées : ne jamais recevoir une étudiante dans une pièce fermée à moins d'enregistrer la conversation, ne pas prendre l'ascenseur seul avec l'une d'elles et bien entendu ne pas entretenir une relation avec une femme de la faculté, même majeure et consentante, sous peine de renvoi immédiat", assurait-il.
D'autres articles censés présenter le bon comportement à adopter au pays de l'Oncle Sam quand on est un homme reprennent cette idée. Sauf que cette histoire est très largement fanstamée, comme l'avait donc déjà souligné Slate en 2011 . Tout est parti a priori d'une blague, répétée par la suite pour ridiculiser les féministes. Slate évoque notamment le cas du journaliste Michel Crépu qui écrivait : "Une certaine Mrs. Scott, autorité du féminisme américain qu'il est impossible de croiser dans l'ascenseur sans en sortir coupable".
Le site internet explique également benoîtement que la grande majorité des ascenseurs sont dotés de caméras… Ce qui devrait permettre à deux personnes de sexes opposés de voyager en toute sécurité.