Tout changer pour que rien ne change. Après des semaines de débat sur le contrôle des frais des députés, le bureau de l’Assemblée nationale a fini par adopter de nouvelles règles qui, in fine, ne changent quasiment rien par rapport au système précédent . Et si les hommes forts de la majorité parlementaire se sont félicités de cette réforme, la déontologue de l’Assemblée nationale, au cœur de ce contrôle des frais de mandat, est nettement moins enthousiaste. C’est le moins que l’on puisse dire.
Dans un rapport pour avis consultatif, révélé par LCP lundi 4 décembre, Agnès Roblot-Troizier dit tout le mal qu’elle pense de cette réforme et du décalage entre la réalité et la promesse politique.
Dans un cinglant réquisitoire contre les nouvelles règles mises en place pour contrôler les dépenses des députés, la déontologue estime que le projet est "très en-deçà de l’objectif législatif tendant à contribuer au rétablissement de la confiance entre les citoyens et les parlementaires". Bim badaboum. Et la suite est du même acabit.
"Il serait plus conforme à l’esprit de la loi de prévoir a minima une vérification comptable (…) permettant de s’assurer, d’une part, qu’à chaque dépense corresponde un justificatif et, d’autre part, de la cohérence entre le solde du compte bancaire de l’avance mensuelle et le solde de la comptabilité", poursuit, toujours aussi sceptique, Agnès Roblot-Troizier, qui avoue même que le contrôle sera "illusoire" :
"Cette réserve est tellement large qu'elle rend illusoire le contrôle de frais de mandat prescrit par la loi.
"
Elle poursuit :
"Il ne permet pas à la déontologue de contrôler que les dépenses des députés correspondent à des frais de mandat comme le prescrit la loi. (…) Le dispositif prévu ne semble envisager aucune vérification comptable des dépenses des députés qui n’auront pas été tirés au sort.
"
"Les députés sont désormais tenus de justifier leurs dépenses. Ils doivent par conséquent en assurer la traçabilité par la tenue d’un état des dépenses normé", indiquait pourtant le bureau de l'Assemblée dans un communiqué. Mais, dans les faits, chaque député disposera d'une "avance sur frais" de 5.373 euros par mois, soit le même montant que l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Les députés pourront dépenser cette somme. Seule différence : ils devront être en mesure de justifier leurs dépenses et d'"assurer la traçabilité par la tenue d’un état des dépenses normé". Sur ces 5.373 euros, 600 euros par mois pourront être dépensés sans justificatif.
Ou quand la déontologue de l’Assemblée nationale explique qu’il lui sera impossible de respecter la loi. ¯\_(ツ)_/¯