Légiférer par ordonnances : François Hollande a-t-il pris sa majorité de court ?

Publié à 10h13, le 14 mars 2013 , Modifié à 13h17, le 14 mars 2013

Légiférer par ordonnances : François Hollande a-t-il pris sa majorité de court ?
François Hollande lors de ses voeux aux parlementaires, en janvier 2013. (Maxppp)

L’annonce de la volonté du gouvernement de légiférer par ordonnance a-t-elle été improvisée et accélérée par la petite phrase de François Rebsamen ? Ou François Hollande a-t-il clairement annoncé la couleur dans un discours à Dijon ? Les deux hypothèses ont circulé.

Le Lab refait le film des événements.

>> L’annonce

Invité de Questions d’Info, sur LCP, une émission en partenariat avec l’AFP, François Rebsamen, patron des sénateurs socialistes et proche de François Hollande qu’il a reçu lundi et mardi à Dijon, expliquait que le chef de l’Etat avait "pris conscience (...) de blocages importants dans notre société, de délais de prise de décision trop longs, des textes qui prennent énormément de temps de débat au Parlement". 

C’est pourquoi, selon lui, "il est indispensable de raccourcir ces délais pour plus d'efficacité". François Rebsamen a alors estimé que "les ordonnances"étaient "un moyen" d'y parvenir. Aussitôt repris par les agences puis confirmé à demi-mots par Najat Vallaud-Belkacem lors du point presse hebdomadaire du gouvernement.

En fait, François Rebsamen n’a fait que sous-titrer une déclaration du chef de l’Etat. Car lors de son déplacement-d’un-nouveau-genre en Côte d’Or (retrouvez les coulisses du jour 1, et du jour 2), François Hollande a prononcé une périphrase qui s’apparente fortement à une déclaration de l’utilisation de l’outil de l’ordonnance en bonne et due forme.

Voilà ce qu’il déclarait :

Je proposerai une loi qui permette par des moyens exceptionnels, prévus d’ailleurs par la Constitution, d’alléger les normes et de raccourcir les délais.

Une procédure qui nécessite néanmoins l’aval préalable du Parlement via une loi d’habilitation.

>> Hypothèse 1 : l’improvisation

Une improvisation totale. C’est la thèse soulevée par Le Figaro qui assure, "qu’au même moment" que la confirmation par la porte-parole du gouvernement, "à Matignon, on n’a pas l’air au courant"

Et une source anonyme dans l’entourage du Premier ministre d’ajouter au quotidien :

Vous interrogerez François Rebsamen.

A l’Elysée, "on soupire" :

Très bien. François Rebsamen est président du groupe PS au Sénat, il doit avoir des idées.

"En réalité, Rebsamen a parlé trop vite", affirme encore Le Figaro qui assure également que :

Seuls quelques uns étaient au courant. Pas même le ministre des Relations avec le Parlement.

Difficile d’imaginer le ministre des relations avec le Parlement ne pas avoir relevé cette déclaration dijonnaise du président.

Mais après la confirmation de Najat Vallaud-Belkacem au compte-rendu du Conseil des ministres, la confusion était de mise dans les couloirs de l’Assemblée où les parlementaires semblaient découvrir les intentions gouvernementales. 

Au point que le ministre chargé de relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a dû venir en urgence expliquer que ce type de procédure ne concernerait que "des modifications en matière d’urbanisme".

>> Hypothèse 2 : le loupé médiatique

Pour Les Echos, il ne s’agit pas d’improvisation. Le focus médiatique s’étant concentré sur la forme du déplacement de François Hollande à Dijon, la petite phrase annonçant la future utilisation des ordonnances est passée inaperçue jusqu’à mercredi matin, jour où François Rebsamen lui en a donné un écho important.

Car ce qu’a annoncé le président n’est rien d’autre que l’officialisation d’une loi d’habilitation à venir permettant au gouvernement de légiférer par ordonnances, selon les Echos.

Sous-entendu, il suffisait d’écouter le discours du chef de l’Etat pour être au parfum.

A l’Elysée, le tuyau semblait bien être dans les cartons. Les Echos ajoutent, citant une source à la présidence de la République, que le "champ" pourrait même être "plus large" et pourrait ainsi concerner :

Des mesures de soutien et de relance de l’activité économique par la réduction des normes d’une part ;

Et le logement d’autre part.

Côté parlementaire, si Christian Jacob a dénoncé au Lab un "mépris du Parlement", Bernard Accoyer un "court-circuitage", et Jean-Vincent Placé, avec ironie, un risque de "pleins pouvoirs", Jean-Jacques Urvoas, le président socialiste de la puissance commission des lois préférait relativiser :

Le Parlement n’est pas contourné car il doit autoriser ces ordonnances par une loi d’habilitation. (…) J’attends de voir la plus-value.

 

Du rab sur le Lab

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