Le Front national s'englue tout seul dans une de ces guerres intestines dont il semble raffoler. Depuis l'interview de Marion Maréchal-Le Pen dans le journal d'extrême droite Présent, lundi 5 décembre, et les propositions de la députée sur l'arrêt du remboursement "intégral et illimité" de l'IVG , le parti fait état de ses divisions.
Rebelote ce dimanche 11 décembre. Marion Maréchal-Le Pen donne une nouvelle interview, cette fois au JDD, dans laquelle elle s'en prend directement à Florian Philipot . Invitée du Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI, Marine Le Pen est donc forcée de recadrer tout le monde . On a bien dit tout le monde.
Mais la présidente du Front national ne peut pas échapper à une propre mise au point concernant son changement de braquet sur l'IVG. Comme le souligne Marion Maréchal-Le Pen dans le JDD , la position défendue par la députée FN du Vaucluse est la même que celle portée, en 2012, par la présidente du FN. C'est vrai, concède Marine Le Pen. Mais sa position d'alors, qui ne correspond en rien à son idée d'aujourd'hui, était surtout en fait un moyen pour la néo-présidente du FN de rassurer la frange dure du parti. Elle dit :
"En 2012, j'ai évoqué ce sujet pendant la présidentielle comme une forme de concession en réalité à ceux qui avaient fait le choix de Bruno Gollnisch [son adversaire lors de l'élection du président du FN en 2011, NDLR]
"
Lorsqu'elle parlait des "IVG de confort", Marine Le Pen n'en pensait donc pas un mot mais voulait juste rassurer sa base la plus dure, celle qui avait voté pour Bruno Gollnisch. On ignore si cela a finalement concerné exclusivement l'avortement ou d'autres sujets.
"L'avortement de confort, qui est un terme qui a scandalisé tout le monde, qui est pourtant un terme utilisé par les médecins, semble se multiplier", avait par exemple dénoncé la candidate à la présidentielle le 8 mars 2012 , à l'occasion de la journée des droits des femmes.
Rebelote un mois plus tard. Lors du Forum ELLE/Sciences Po à Paris , la candidate FN à l'Élysée avait persisté sur "les avortements de confort. "Ce sont les femmes qui utilisent l'avortement comme un moyen de contraception, il y a des femmes qui font deux, trois, parfois quatre avortements. Ça existe ! Pourquoi se cacher la réalité ?" avait-elle lancé en avril 2012.
Cette "concession" accordée aux fans de Bruno Gollnisch avait même survécu à l'élection présidentielle. En novembre 2012, sur la chaîne chrétienne KTO, elle était revenue sur ses mots à propos de l'avortement. "Durant la campagne présidentielle, j'ai dit que je considérais qu'il fallait effectivement supprimer le remboursement de ce que certains ont appelé 'des avortements de confort', ce qui a fait hurler un certain nombre, et qui sont ces avortement, répétitifs, utilisés par un certain nombre de femmes comme un moyen de contraception", avait-elle noté.
Mais tout le monde peut aujourd'hui être rassuré : ces sorties, c'était juste pour faire plaisir à Bruno Gollnisch & cie. Et aujourd'hui, ce temps semble révolu. Ce dimanche, Marine Le Pen explique :
"Aujourd'hui, ce débat-là [sur l'avortement] est tranché. Je n'ai pas de concession à faire, ou plus car, entre-temps, j'ai été élue à 100%, en 2014, à la tête du Front national.
"
À 100% et pour cause : elle était la seule et unique candidate.
En revanche, il n'est pas certain que les militants de l'ancienne époque, ceux à qui il fallait faire des concessions, aient, eux, changé d'avis sur l'IVG.
[BONUS TRACK] Point agenda
Marion Maréchal-Le Pen a semé le trouble au sein du FN en donnant une interview au journal Présent deux jours avant l'intervention de Marine Le Pen au JT de TF1. Ce dimanche, elle accorde un entretien au JDDquelques heures avant le passage de la présidente frontiste au Grand Jury. Forcément, lors de ses deux entretiens, Marine Le Pen a donc dû passer beaucoup de temps à s'expliquer sur un sujet qui, de son propre aveu, est "lunaire".
On n'écrira pas ici que Marion Maréchal-Le Pen s'amuse à perturber les (rares) interventions médiatiques de sa tante, mais cela y ressemble fort. D'autant que, dans le JDD, la députée du Vaucluse n'hésite pas à critiquer la présidente du FN. "Qu’elle veuille écarter un certain nombre de sujets pendant la campagne, c’est son droit", dit-elle. Bonne ambiance, donc.