En 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi, comme il l'escomptait, à siphonner les voix du Front national, reléguant Jean-Marie Le Pen à la quatrième place du premier tour de la présidentielle, cinq ans après avoir atteint le second tour. Depuis, l'homme politique se plaît à endosser ce costume de rempart contre le parti d'extrême droite. L'ancien chef de l'État est parfois même poussé à agir ainsi, comme en 2013 lorsque son épouse Carla Bruni signifiait qu'il était le seul à pouvoir empêcher un duel François Hollande – Marine Le Pen en 2017 .
À un an de la prochaine élection présidentielle, Nicolas Sarkozy garde cette ligne directrice. Il est un bouclier, assure-t-il, contre le Front national. Et la meilleure preuve est son bilan à la tête de Les Républicains. Dans une interview à Valeurs Actuelles ce 2 juin, l'ex-président de la République déclare :
"Il y a un an et demi, je prenais la tête d'une famille politique divisée, ruinée financièrement, sans projet, sans équipe dirigeante. Patiemment, nous en avons fait la première formation politique de France, qui n' a jamais eu autant de militants, qui a remboursé une large partie de ses dettes, qui a gagné les élections départementales puis régionales, et qui présente un visage bien plus uni en dépit du contexte de la primaire. Si nous n'avions pas fait ce travail de fond, ingrat, le Front national aurait poursuivi sa progression et notre capacité à incarner l'alternance aurait été entamée.
"
On notera le regard *plutôt sympa* que porte Nicolas Sarkozy sur son camp avant son retour. Mais intéressons-nous plutôt à la deuxième partie de cette déclaration : "Si nous n'avions pas fait ce travail de fond, ingrat, le Front national aurait poursuivi sa progression." A contrario, cela signifierait que le FN, d'après Nicolas Sarkozy, n'a pas progressé depuis son arrivée à la tête de l'UMP, devenue LR.
Étonnant, non ?
Eh bien c'est faux.
Il suffit, pour prouver que Nicolas Sarkozy a tort, de regarder en détail les résultats des élections départementales et régionales, en mars et décembre 2015 (les deux seuls scrutins organisés en France depuis que l'ancien chef de l'État a gagné la présidence de l'UMP) et de les comparer aux résultats des européennes, en mai 2014 (dernières élections organisées avant le come-back sarkoziste). Les chiffres suivants sont ceux du ministère de l'Intérieur , compilés par FranceTv info lors d'un article sur l'évolution du vote FN depuis 1995.
Intéressons-nous d'abord au nombre de voix données au parti de Marine Le Pen. Aux européennes de 2014, le FN avait obtenu 4,71 millions de voix. Au premier tour des élections départementales de 2015, il avait recueilli 5,14 millions de voix (4,1 millions au second tour). Au premier tour des élections régionales de 2015, il avait obtenu 6,02 millions de voix (6,82 millions au second tour).
Le même constat s'opère lorsqu'on observe la proportion du vote FN par rapport aux inscrits. Aux élections européennes de 2014, le FN avait recueilli la voix de 10,12% des inscrits. Au premier tour des élections départementales de 2015, il avait atteint 12,04% des inscrits (10,18% au second tour). Au premier tour des régionales de 2015, le parti d'extrême droite avait obtenu 13,29% des voix des inscrits (15,06% au second tour).
Difficile donc de considérer, comme Nicolas Sarkozy, que le FN n'a pas progressé depuis qu'il est aux commandes de Les Républicains. Les chiffres laissent même plutôt penser l'inverse.
[EDIT 19h38]
Après publication de l'article, le secrétaire général adjoint de LR, Sébastien Huyghe, précise que le FN n'a remporté gagné aucun département ou région après avoir remporté plusieurs villes aux municipales. Ce qui, pour le coup, est vrai.
Interprétation fallacieuse la progression évoquée c'est qu'après avoir gagné des villes pas de département ni région https://t.co/KMOHOlqWwG
— Sébastien Huyghe ن (@SebastienHuyghe) 3 juin 2016