VIDÉO - Un député communiste raconte à Darmanin avoir créé son entreprise offshore nommée "ministère des Comptes publics"

Publié à 15h38, le 05 décembre 2017 , Modifié à 15h49, le 05 décembre 2017

VIDÉO - Un député communiste raconte à Darmanin avoir créé son entreprise offshore nommée "ministère des Comptes publics"
Fabien Roussel et Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale, lundi 4 décembre 2017 © Montage le Lab via Assemblée nationale

INSTANT ASSEMBLÉE - Lundi 4 décembre, sur les coups de 19h30 : l'Assemblée nationale examinait le projet de loi de finances rectificative pour 2017. En ouverture de la discussion générale, chaque groupe parlementaire a droit à un temps de parole pour que son orateur désigné donne sa position sur le texte. C'est Fabien Roussel, élu du Nord, qui prend la parole pour le groupe communiste (gauche démocrate et républicaine). Et il choisit de parler en premier lieu d'évasion fiscale, réclamant des mesures pour lutter contre ce phénomène, mesures qui seraient bénéfiques pour les finances publiques.

"C'est demain que les ministres européens des finances vont faire connaître enfin la fameuse liste noire officielle des paradis fiscaux, dévoilant du même coup la véritable ambition de l'Europe à lutter contre l'évasion fiscale", commence ainsi Fabien Roussel. Il évoque ensuite le cas d'Airbnb, dont on a appris récemment qu'elle propose aux hébergeurs de toucher leurs revenus sur une carte de crédit rechargeable émise à Gibraltar, une méthode qui permet ensuite aux propriétaires de logements de ne pas déclarer les revenus perçus par le biais de la plateforme.

Fabien Roussel enchaîne, devant un Gérald Darmanin (ministre de l'Action et des Comptes publics) quelque peu médusé, avec un exemple frappant : la création par ses soins, en quelques minutes via un site internet, de sa propre entreprise offshore. Une boîte que, par esprit trollesque, il dit avoir nommée "ministère des Comptes publics", avec un certain Gérald Darmanin pour directeur général. Le tout en pleine séance publique dans l'hémicycle de l'Assemblée, donc.

Voici cette saillie du député communiste nordiste en vidéo isolée par le Lab, l'élu précisant toutefois finalement ne pas être allé tout à fait au bout de sa petite "expérience", et n'avoir pas payé pour la création effective de sa société offshore :



Une séquence également relayée avec gourmandise par le compte Twitter du groupe communiste à l'Assemblée :

Voici donc ce qu'a expliqué Fabien Roussel, détaillant par le menu la procédure à suivre :

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Permettez-moi de vous faire part d'une expérience que j'ai faite ce week-end. Je suis justement allé voir sur internet 'Gibraltar paradis fiscal' pour chercher en quoi c'était un paradis fiscal. Et la première annonce qui tombe sur Google, c'est 'Gibraltar fiscalité idéale pour sociétés et particuliers'. Je vous invite à faire l'expérience. Et en dessous, tout de suite, une entreprise : SFM-offshore.com. Et là, on peut créer, commander une entreprise en deux minutes, c'est écrit. Eh bien vous savez quoi, monsieur le ministre ? J'ai créé mon entreprise offshore ce week-end.



J'ai fait l'expérience, en deux minutes, avec une précision importante : il était écrit 'toutes informations saisies dans ce formulaire seront conservées de façon strictement confidentielle et votre transaction sera sécurisée grâce au cryptage SSl' - j'ai compris 'un cryptage XXL'. J'ai donc créé mon entreprise via ce site en deux minutes et quelques clics. D'abord, il a été précisé qu'en fonction d'où venaient les profits, le taux d'imposition serait de 10% ou de 0%. Ensuite, j'ai eu le choix d'enregistrer ma société dans un des 23 paradis fiscaux que me propose cette entreprise - si l'Europe cherche où sont les paradis fiscaux, il suffit d'aller chercher sur ce site. Au choix, c'est écrit : la Suisse, les Bahamas, HongKong, Singapour, Gibraltar, le Delaware, etc. Et après j'ai créé mon entreprise. J'ai choisi Gibraltar. [...] Il a fallu donner un nom : j'ai créé l'entreprise 'ministère des Comptes publics'. Il a fallu trouver un directeur et un actionnaire principal ; et là ils vous offrent deux options : ou ils vous nomment l'actionnaire et le directeur mais ça vous coûte plus cher, ou vous le nommez vous-même. Alors j'ai nommé comme directeur monsieur Gérald Darmanin, comme actionnaire principal madame Amélie de Montchalin [députée LREM et 'whip' de la commission des Finances, ndlr], à 51% de l'entreprise. Deux personnalités tout à fait respectables et dont le parcours justifie qu'ils peuvent prendre ces responsabilités. Et cette société avec ces deux responsables a été créée en quelques clics ; il m'a suffi, à la fin... bon j'ai pas payé hein et je l'ai pas créée... mais à la fin en option il suffisait de choisir une carte bancaire et sur cette carte bancaire, l'option, je précise : 'Le nom du titulaire n'apparaît pas sur la carte et n'est ni enregistré sur la bande magnétique ni sur la puce.'

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Et le député communiste de conclure :

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Voilà la réalité de ce type de scandale fiscal accessible à tous en un clic sur internet pour toute entreprise, pour tout contribuable français. [...] Quand est-ce que l'on va s'attaquer véritablement à cette délinquance en col blanc, cette délinquance fiscale qui provoque des trous dans nos comptes publics ? [...] C'est un véritable scandale dans un pays civilisé.

 

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L'histoire ne dit en revanche pas ce que le ministre aurait pu répondre à Fabien Roussel, la séance ayant été suspendue immédiatement après l'intervention du député communiste... Cette "expérience" gonzo n'est en tout cas pas sans rappeler celle de l'ex-député LR Bernard Debré qui, en son temps, avait acheté de la cocaïne sur internet et se l'était faite livrer à l'Assemblée, le tout pour dénoncer la facilité d'accès aux drogues en France.

Du rab sur le Lab

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