POLÉMIQUE NATIONALE - Après l'attentat terroriste contre Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier, une "marche républicaine" trans-partis politiques sera organisée dimanche à 15 heures à Paris, symbole d'union nationale. Mais la question de la présence du Front national dans le cortège divise la classe politique.
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Une réunion préparatoire à cette marche s'est tenue jeudi après-midi, en présence de représentants du Parti socialiste, du Parti communiste français, d'Europe Écologie-Les Verts, du Mouvement républicain et citoyen, du Parti radical de Gauche, du Parti de gauche, de l'UDI et du Modem. L'UMP n'était pas présente en raison d'une réunion du bureau politique du parti, mais les organisateurs étaient en contact avec son directeur général, Frédéric Péchenard, selon nos informations. L'entourage de Nicolas Dupont-Aignan, patron de Debout la France, a annoncé à l'AFP qu'il faisait partie de la coordination et qu'il serait au rassemblement.
Au cours de cette réunion, la question de la présence du Front national dimanche "ne s'est pas posée", explique au Lab François Lamy, député PS chargé de l'organisation de l'événement pour le parti de la rue de Solférino. Qui explique sa réluctance à convier le parti de Marine Le Pen, qui n'est selon lui "pas dans une logique de rassemblement" :
"Moi j'ai posé d'entrée jeu l'idée d'inviter l'ensemble des partis politiques républicains. Personne n'a demandé à ce que le FN soit invité. Il y a un moment où il faut dire les choses politiquement : il y a d'un côté des formations démocratiques, de droite et de gauche, qui débattent, et de l'autre un parti qui depuis des années stigmatise, montre du doigt les immigrés, les musulmans de ce pays. Ils ne sont pas dans une logique de rassemblement donc il n'y a pas à se poser la question. Marine Le Pen, le jour de l'attentat, a dit 'la France a peur' et attise la peur ; nous on dit a contrario : 'La France n'a pas peur'.
"
Comprendre : le FN n'est pas un parti républicain et n'est donc pas le bienvenu. Une décision vraisemblablement prise avec l'accord du premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis et la bienveillance de Manuel Valls.
Au sein du PS, la question fait débat. Il y a ceux, comme Olivier Faure (porte-parole du parti), qui estiment qu'il ne faut "exclure personne" de ce rassemblement. Et ceux, comme Julien Dray, qui affirment que la formation de Marine Le Pen "reste marquée par son histoire" et "n'a pas sa place" dans la manifestation. Dans la matinée, sur RTL, le Premier ministre avait éludé la question, semblant toutefois pencher pour une non-invitation. Estimant certes que "l'unité nationale" était "la seule réponse possible", Manuel Valls rappelait également :
"L'unité nationale, c'est aussi autour des valeurs. De valeurs profondément républicaines, de tolérance, de refus d'amalgames.
"
Dont le FN ne serait donc pas le représentant.
À l'UMP, on semble plus enclins à inclure le FN à la manifestation. Il serait "incohérent d'exclure un parti politique", selon le député Thierry Mariani ; Éric Ciotti et Éric Woerth "ne voient pas d'obstacle" à la participation du Front national. Alain Juppé s'interroge : "Pourquoi commencer à exclure lorsqu'on parle d'unité ?" ; et François Fillon souhaite "qu'il n'y ait pas de voix discordantes".
Laurent Wauquiez a même affirmé à l'AFP que l'UMP était "unanime" pour s'opposer à l'exclusion du FN :
"C'est une position unanime: il n'est pas acceptable que le Front national soit exclu pour une manifestation d'unité nationale. On ne pourrait pas comprendre que certains soient exclus.
"
De son côté, Marine Le Pen a indiqué à iTélé vers 17h30 que le FN était "contraint de ne pas aller à cette manifestation car nous ne sommes pas invités". "Nous envisagions de nous y rendre mais nous n'irons pas", a-t-elle ajouté. Plus tôt dans la journée, elle expliquait qu'elle "[attendait] que [son] téléphone sonne" et que Manuel Valls l'invite officiellement, comme il l'a fait avec Nicolas Sarkozy.
Parallèlement, les cadres de son parti enragent et certains accusent le PS et l'UMP d'être partiellement "responsables" de l'attentat contre Charlie Hebdo. Pour Marion Maréchal Le Pen, ne pas inviter le FN "n’est pas un comportement digne d’un Premier ministre et d’un président de la République." Florian Philippot, lui, met en garde les autorités, qui risquent par là de "briser l'unité nationale et diviser les Français" selon lui :
Le pouvoir prendra-t-il la responsabilité de briser l'unité nationale et de diviser les Français en excluant les électeurs du FN dimanche ?
— Florian Philippot (@f_philippot) 8 Janvier 2015
En début d'après-midi, Marine Le Pen avait réagi auprès du Monde. Elle fulminait, considérant que "l'union nationale, ce n'est pas un chantage où on peut venir à condition de la fermer" et que ce concept était aujourd'hui "dévoyé" :
"Je ne demande pas à être intégrée à l'union nationale. L'union nationale, ce n'est pas un chantage où on peut venir à condition de la fermer. Je n'entends pas me soumettre à ce chantage. Il y a un dévoiement total du concept d'union nationale. Nous en assumerons les conséquences.
Si on ne m'invite pas, je ne vais pas m'imposer. C'est un vieux piège. Au moindre incident on dira que c'est de ma faute.
"
[Edit 19h45]
L'entourage de Manuel Valls appelle le FN à ne "pas céder à la polémique politicienne"
"Dans ces moments difficiles pour le pays, il ne faut pas céder aux penchants de la polémique politicienne", a déclaré à l'AFP un conseiller du Premier ministre. "Chaque citoyen peut se rendre librement à la manifestation de dimanche", a fait valoir l'entourage du Premier ministre, "afin de défendre des valeurs telles que la liberté, l'égalité, la tolérance, la lutte contre le racisme et l'antisémitisme".
Peu après sur BFMTV, Jean-Christophe Cambadélis a quant à lui voulu calmer les tensions. "Tous ceux qui se sentent concernés par ce qui s'est passé, viennent" à la manifestation, a-t-il déclaré :
"Il y a une marche républicaine, appelée par les partis républicains. Tous ceux qui se sentent concernés par ce qui s'est passé, viennent. [Marine Le Pen] fait ce qu'elle veut, il y a mort d'hommes et de femmes, il n' y a pas de débat avec le Front national aujourd'hui, il faut quand même qu'à un moment donné, nous soyons tous à la hauteur de la situation.
"
Il a néanmoins affirmé que "Marine Le Pen est très mal à l'aise avec cette manifestation depuis le début. [...] Elle n'a pas téléphoné pour participer à cette réunion" de préparation de la marche.
"François Bayrou, lui, a jugé que c'était "une mauvaise décision d'exclure qui que ce soit". "L'unité nationale, pour exister, doit se donner comme règle qu'on n'exclut personne", a déclaré à l'AFP le maire de Pau.