Frondeuse discrète. Dans une interview livrée le 2 janvier à Libération et publiée ce 6 janvier, Christiane Taubira explique mener "pas mal de batailles internes" au sein du gouvernement pour faire évoluer certains projets, tout en évitant de rendre publics ses désaccords. "Je ne donnerai pas l'image de ministres qui s'affrontent", érige-t-elle en ligne de conduite.
La ministre de la Justice évoque évidemment sa réforme pénale pour laquelle elle a dû batailler car "régulièrement mise en cause". Surtout, Christiane Taubira s'avère particulièrement prolixe à propos du projet de loi Macron relatif, entre autres, à la réforme des professions juridiques réglementées comme les notaires ou les huissiers, son pré carré. Le projet de départ porté par Arnaud Montebourg puis par Emmanuel Macron, était très loin de la satisfaire. Elle raconte donc avoir œuvré en coulisses :
Franchement, vous avez vu d'où on vient ? D'une stigmatisation de certaines professions, de la volonté de supprimer l'acte authentique, d'instaurer une liberté d'installation totale ...
Dès juillet, j'avais été très claire avec les professionnels: je ne mènerai pas de bataille publique, je ne donnerai pas l'image de ministres qui s'affrontent, mais je ferai valoir mes convictions en interne.
C'est ce que j'ai fait : j'ai dit que les notaires ou les huissiers avaient une mission de service public et que l’État devait assurer sa mission de contrôle.
Dans un autre article suivant l'interview de la garde des Sceaux, Libération en dit davantage sur ce "bras de fer feutré" entre Christiane Taubira et Emmanuel Macron. L'entourage de la ministre s'y targue d'avoir largement fait évoluer le projet de loi : "il ne contient pas 20% de ce qui a été annoncé au départ par Bercy. A l'origine, il voulait rétablir la liberté complète d'installation et de tarification pour les notaires ... C'était le Grand soir. On est parvenus à atténuer les premières déclarations."
Après une grande manifestation des professions juridiques le 10 décembre, la ministre a reçu leurs représentants pour les encourager à "rester mobiliser", selon le récit du président du Conseil national du notariat à Libé. Et leur a assuré que le travail parlementaire "améliorerait le texte". Lors des débats à l'Assemblée à partir du 26 janvier, c'est d'ailleurs elle qui s'exprimera au nom du gouvernement lors de l'examen des articles concernant les professions réglementées. Une façon de reprendre la main.