AMBITION - Au PS – comme à l'UMP – on ne sait pas s'il y aura une primaire en vue de la prochaine élection présidentielle. À la mi-mandat, les socialistes sont partagés sur une candidature de François Hollande en 2017 qui, de facto, déterminera la tenue ou non d'une campagne interne à gauche.
Marc Jutier s'en moque. Lui est déjà en campagne. Président du think tank Fraternité citoyenne, il a annoncé mercredi 5 novembre sa candidature à la primaire du PS – ce qui fait de lui le premier candidat déclaré. Du coup, Marc Jutier aimerait bien que ça se sache. Comment ? En utilisant les réseaux sociaux bien sûr.
Mercredi, il a donc envoyé le même message à 119 journalistes ou rédactions, accompagné de son numéro de téléphone :
Bonjour, je suis le 1er candidat déclaré aux primaires PS de 2016. Merci de m'interviewer.
Une tactique pas vraiment payante jusqu'ici. Pourtant, la démarche de Marc Jutier n'est "ni une lubie ni une blague", de l'aveu du candidat. Joint par Le Lab ce jeudi 6 novembre, ce socialiste encarté depuis 2011, "quand il est apparu évident que DSK ne serait pas candidat", explique :
Si je veux me présenter, ce n'est pas parce que je suis joli garçon ou que je parle bien, je plaisante, mais parce que je veux porter un nouveau projet de société basé sur une réforme monétaire. C'est une vraie démarche pour devenir président en 2017 ou 2022.
Pas une lubie, donc. Agé de 52 ans, cet ingénieur à l'école polytechnique de Montréal souhaite, notamment, que la banque centrale émette 100% de la monnaie et qu'il n'y ait plus de banques commerciales. "C'est parce que les politiques ont cédé le pouvoir aux banquiers qu'on est là aujourd'hui", résume-t-il.
En gros, son ennemi, c'est la finance. "Mais pas les hommes. Le problème, c'est le fonctionnement", précise Marc Jutier. Ses ennemis, aussi, ce sont "les socialistes de droite, comme Manuel Valls et François Hollande", ajoute-t-il. Au parti socialiste, Marc Jutier se place donc définitivement à gauche.
Vraiment pas une lubie. Marc Jutier affirme avoir autour de lui une quarantaine de personnes, dont la moitié est liée au think thank Fraternité citoyenne. En attendant les primaires, qui d'après lui "ont 90% de chance d'être organisées", il a déjà dessiné son gouvernement, une équipe qui fait la part belle à la société civile - et à la gauche de la gauche. Voici les principaux ministres :
Premier ministre : Gérard Filoche ou Marie-Noëlle Lienemann
Ministre des Finances : Olivier Berruyer (économiste)
Ministre de l'Économie : Liêm Hoang-Ngoc
Ministre de l'Écologie : Yves Cochet
Ministre de la Justice : Eva Joly
Ministre de l'Intérieur : Fabrice Rizzoli (enseignant)
À ces noms pourraient s'ajouter ceux de Laurent Baumel, l'un des députés "frondeurs" les plus actifs, de Jérôme Guedj, de Pierre Larrouturou, des communiste André Chassaigne et Pierre Laurent, etc. C'est en tous cas le souhait de Marc Jutier. Pas sûr que les intéressés soient d'accord.
Contactée par Le Lab, Marie-Noëlle Lienemann avoue connaître Marc Jutier avec qui "il arrive qu'on se retrouve sur certaines idées". Mais elle ajoute :
Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il veut vraiment. Je ne prends pas sa démarche au sérieux. Et s'il se présente vraiment, je ne le soutiendrais pas.
Même tonalité du côté de Laurent Baumel qui au Lab décrit Marc Jutier comme "un personnage étrange qui vient aux réunions politiques et qui aborde souvent les responsables". Il précise :
Je n'ai pas de raison de dire du mal de lui mais je n'ai pas comme perspective politique de soutenir sa candidature à la primaire ni de participer à son gouvernement.
Heureusement, il reste à Marc Jutier un peu de temps pour convaincre les autres.