"La nomination d’Harlem Désir est une insulte à l’Europe." La charge de Nathalie Kosciusko-Morizet, ce jeudi 10 avril, sur France 2, résume le sentiment donné jusque dans son propre parti par l’exfiltration d’Harlem Désir de la direction du PS, nommé secrétaire d’Etat aux Affaires européennes du gouvernement Valls – un portefeuille rétrogradé avec le changement de gouvernement de ministre délégué à secrétaire d’Etat-. Une nomination qui met fin, de facto, à son mandat de député européen.
Une nomination qui met en lumière trois mauvais messages envoyés par la France à l'Europe :
#ABSENTÉISME
Harlem Désir est un mauvais élève du Parlement européen. Il en est surtout un absentéiste invétéré sur la dernière législature, débutée en 2009. Élu en 2012 à la tête du PS, le nouveau secrétaire d’Etat à l’Europe ne figure, selon le site votewatch.eu, qu’en 752e position, sur 766, en termes d’assiduité.
Dans le détail, Harlem Désir arrive en 601e position en ce qui concerne les questions, écrites ou orales, à la commission européenne, et en 660e position sur les rapports amendés. Son classement est en revanche *un peu* meilleur au niveau des déclarations écrites (263e) ou sur les propositions de résolutions (212e).
#INSTABILITÉ
A un mois et demi des élections européennes, le signal "européen" envoyé par le gouvernement Valls fait mauvaise figure. Et ce, même si l’ancien Premier secrétaire du PS hérite du "portefeuille le plus instable de la 5e République", comme le rapporte Slate.fr qui a estimé la durée de vie d’un ministre chargé de ces questions continentales à 20 mois.
Ils sont ainsi douze à s’être succédé en douze ans. Et même trois depuis l’arrivée à l’Elysée de François Hollande en mai 2012. Harlem Désir succède ainsi à Thierry Repentin, qui lui-même avait remplacé Bernard Cazeneuve, parti suppléer le démissionnaire Jérôme Cahuzac au Budget. Seul Pierre Moscovici, dans l’époque récente, a connu une réelle longévité en conservant ce maroquin de 1997 à 2002.
#TUTELLE
Secrétaire d’Etat sous la tutelle de Laurent Fabius au ministère des Affaires étrangères, Harlem Désir n’aura pas les mains libres. D’autant plus que l’Elysée reprend la main sur l’important dossier Europe, comme le montre L’Opinion. "Le changement institutionnel est passé relativement inaperçu", écrit le quotidien à propos de la "petite révolution" opérée par François Hollande sur les questions européennes :
Chargés de coordonner à Paris les contributions des différents ministères avant d’envoyer à Bruxelles la position de la France sur les différents sujets discutés au niveau européen, les 200 agents du secrétariat général aux Affaires européennes (SGAE) passent sous la coupe de l’Elysée.
Une première pour une administration généralement rattachée à Matignon. Et qui laisse à Harlem Désir une coquille vide et peu de marges de manœuvre.
BONUS : La légitimité de Désir
Harlem Désir est en revanche soutenu sur sa légitimité pour le poste, lui qui est eurodéputé sans discontinuer depuis 1999. Ainsi, à l’instar de Manuel Valls qui considère sa présence au gouvernement comme "un atout", Jean-Christophe Cambadélis, qui devrait lui succéder rue de Solférino, a loué sa connaissance de l’Europe et des problématiques européennes, assurant qu’il "sera un très bon ministre" et rappelant son expérience au sein des instances continentales :
Il a été parlementaire, vice-président du Parlement européen… Il connait tout ça sur le bout des doigts.
Enfin, quand il y va.