Claude Bartolone l’avait promis en juin dernier. Sous son impulsion, le règlement de l’Assemblée nationale devrait, à partir de janvier prochain, imposer aux groupes parlementaires de prendre le statut d’association afin d’assurer un véritable contrôle de leurs finances. C’est le sens d’une proposition de résolution tendant à modifier le règlement, déposée mercredi 3 septembre et qui doit être examinée en séance le 17 septembre prochain.
Le président de l’Assemblée nationale avait promis une telle mesure au lendemain de l’affaire Bygmalion. Plus précisément après les révélations sur un prêt de 3 millions d’euros, consenti en 2012 à l’UMP par le groupe parlementaire du parti d’opposition, présidé par Christian Jacob. Claude Bartolone voulait alors "permettre l’exercice d’un contrôle sur l’utilisation [que les groupes] font des dotations qui leur sont versées [par l’Assemblée nationale]". De l’argent public, donc.
"Je ne vois pas ce qu'il y a d’illégal là-dedans", avait, à l’époque, argumenté Christian Jacob, arguant qu'il s'agissait d'un prêt et non d'un don. Mais ce prêt avait choqué jusque dans les rangs de l’UMP, où personne (à part Jacob lui-même) n’avait été informé de cette manœuvre financière visant à remettre à flot les finances du parti de la rue Vaugirard. Pas illégal, mais pas franchement transparent.
Voici donc ce qui sera imposé aux groupes dès 2015 :
"Il apparaît que l’acquisition du statut associatif constitue le plus sûr moyen pour un groupe parlementaire de fonctionner juridiquement dans de bonnes conditions ; ce statut permet également la mise en place d’outils de contrôle interne, avec l’approbation des comptes annuels par l’assemblée générale, et de contrôle externe, avec la certification des comptes par un commissaire aux comptes.
[...] Il reviendrait ensuite à chaque groupe d’adopter un statut et de mettre en place des instances conformément au droit des associations.
"
Car jusqu'à présent, aucun cadre juridique n'était imposé aux groupes parlementaires, qui bénéficiaient du principe tacite de "libre gestion". Au nom de la transparence, tout cela est donc bel et bien fini. La proposition de Claude Bartolone a d'ailleurs "recueilli l’unanimité des Présidents de groupe", précise l'énoncé du document.
Le mode de contrôle envisagé est tout simplement celui du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, constitué en association dès 1988. Claude Bartolone propose donc naturellement de généraliser le système à tous les autres groupes. "Pas parce que c'est nous, mais parce que cette structure est complète et totalement transparente", explique au Lab Bruno le Roux, président du groupe PS. "Seul le groupe socialiste s'est constitué en association, statut de droit commun qui offre certaines garanties, notamment en ce qui concerne la certification des comptes, précise au Lab l'entourage de Claude Bartolone. Cela apporte une sécurité supplémentaire au citoyen."
Christian Jacob, de son côté, n'attendra pas le 1er janvier 2015. "Il est favorable à tout ce qui va dans le sens d'un plus grand encadrement, assure son entourage. Il a même anticipé la modification du réglement, en dotant le groupe d'un commissaire au groupe dès le 1er septembre." "Mais il n'avait pas tellement le choix", siffle son homologue du PS, Bruno le Roux :
"Ce texte est la conséquence de l'incurie du groupe UMP. Il a fallu adopter un texte pour qu'il n'y ait plus de problèmes relatifs à l'argent public au niveau des groupes. Il y avait donc une obligation. La droite se serait bien passée de ces obligations, le groupe UMP n'a jamais voulu d'une structure associative, d'une structure contrôlant la gestion de l'argent.
"
Mais après le scandale et devant une proposition correspondant à l'exigence démocratique d'une plus grande transparence en politique, "Christian Jacob ne pouvait pas refuser", estime le patron des députés PS, pour qui ce statut permettra de s'assurer que "les comptes ne reposeront ni sur une personne ni sur l'opacité".
La proposition de Claude Bartolone doit encore être adoptée en commission des lois, demain en fin de matinée, avant l'examen en séance. Une simple formalité, considérant le "consensus" autour de ce texte, et surtout le fait qu'aucun amendement ne peut être déposé en commission sur une proposition de modification du règlement déposée par le président de l'Assemblée.