"Trop, c'est trop". En plus d'être le titre d'un tube R&B interprété par la chanteuse Zayra, cette expression correspond à l'état d'esprit actuel des syndicats de policiers, et ce en raison d'une autre création musicale. Un ras-le-bol qui a abouti au dépôt d'une plainte par Bernard Cazeneuve, selon des informations du Parisien, ce vendredi 16 septembre.
En cause, certaines paroles de la chanson "Bavure" signée du rappeur Jo Le Phéno. Dans ce morceau rythmé, l'auteur de morceaux qu'on pourrait qualifier de "gangsta rap" tels que "Vrai Chakal" ou encore "'Niquage de mères" se laisse aller dans "Bavure" à une diatribe anti-flics aux accents belliqueux :
"Où sont les condés? On va les dompter. Combien de décédés? On peut plus compter.
"
Le rappeur accuse la police de "bavures" et invite l'auditeur à "fumer" les forces de l'ordre :
"Trop de nos frères sont partis à cause d'une bavure policière, leur donner du respect, éviter. Sans hésiter, il faut les fumer.
"
Bavure - Jo Le Pheno (@JoLePhenomene) pic.twitter.com/QKVEqfx7uL
— Quand un rappeur dit (@QuandCeRappeur) 2 septembre 2016
Sur BFM TV , Christophe Rouget, un représentant du syndicat CFDT des cadres de la sécurité intérieure, s'est insurgé contre le message diffusé dans ce clip :
"C'est des appels à commettre des meurtres et à tuer des policiers.
"
Les syndicats de policiers se sont également plaints de la diffusion dans le morceau de photos d'agents de police, sans leur consentement. Ce vendredi après-midi, le morceau était indisponible sur la plate-forme Youtube, après avoir été vu près de 120 000 fois en quatre semaines.
Jo le Phéno, qui compte à peine un millier d'abonnés à son compte Twitter , est originaire du vingtième arrondissement de Paris, et plus précisément d'un quartier qu'il nomme "La Banane", selon son compte Facebook.
Joint par l'Express , le rappeur a affirmé ne pas comprendre pourquoi une telle plainte a été déposée :
"Cette plainte est complètement ridicule. C'est grotesque [...] Je suis rappeur, c'est ma liberté d'expression.
"
Il a expliqué avoir voulu "dénoncer" les violences policières ainsi que le "racisme" des forces de l'ordre :
"La dernière fois, un gamin de 11 ans est venu me voir. Il portait un t-shit 'La Banane' et des policiers lui ont demandé pourquoi. Il a dit: 'Parce que c'est le nom de mon quartier.' Ils n'ont rien trouvé de mieux à lui répondre que: 'T'es sûr que ça te rappelle pas ton pays?' Il était choqué. C'est l'hôpital qui se fout de la charité.
"
Cette polémique naissante rappelle plusieurs affaires ayant opposé politiques et rappeurs dans les années 2000... et ayant toujours abouti à la relaxe des artistes. En 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait porté plainte contre le rappeur Sniper, auteur de la phrase "on nique la France sous une tendance de musique populaire" dans le morceau "La France". Sans succès. En 2005, le sénateur UMP François Grosdidier avait lui porté plainte contre le rappeur Monsieur R. En cause, la chanson "Fransse", et une phrase : "La France est une garce, n’oublie pas de la baiser jusqu’à l’épuiser, comme une salope il faut la traiter 'mec'".
Dans son clip, Jo Le Phéno s'en prend directement aux policiers, et non à la France en tant qu'entité. Ce qui constitue une différence avec les exemples précédents.