La "grenade dégoupillée" a commencé à exploser. En partie. Acteur clé de l’affaire dite Bygmalion, et ex-directeur de campagne de Jean-François Copé, Jérôme Lavrilleux accuse, ce mercredi 14 octobre dans un entretien à L’Obs , Nicolas Sarkozy de "se défausser" et de ne pas "assumer" ses responsabilités dans ce système de fausses factures durant sa campagne présidentielle de 2012.
Pour l’eurodéputé exclu de l’UMP (devenu entre-temps Les Républicains), il ne faut plus qualifier cette affaire "d’affaire Bygmalion" mais "d’affaire des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy". Ainsi balance-t-il contre l’ancien chef de l’Etat, assurant une nouvelle fois que les comptes de campagne ont "dérapé" :
"Je vais vous dire quelque chose que je n'ai jamais dit, et dont j'ai la certitude, conforté par la lecture du dossier aujourd'hui : les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 ont dérapé, et pas seulement le budget consacré aux meetings. Il ne faudrait plus appeler cette affaire +Bygmalion+, mais celle des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy.
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Tout au long de l’interview, Nicolas Sarkozy, aujourd’hui président de LR et candidat-pas-encore-déclaré à la primaire, en prend pour son grade. C’est lui que vise principalement Jérôme Lavrilleux. Pour ce dernier, la défense de Nicolas Sarkozy est "vouée à l’échec" à vouloir constamment "se défausser" de toute responsabilité. "Les comptes ont débordé de tous les côtés. Il n'y a que Nicolas Sarkozy pour dire dans sa déposition que cette affaire ne concerne pas sa campagne...", affirme Jérôme Lavrilleux. Qui poursuit :
"C'est un système de défense voué à un échec total. Il adopte le même dans toutes les affaires où il est entendu : +c'est pas moi, c'est l'autre+. Dans Bygmalion, il dit +c'est pas moi, c'est Copé+. Il se défausse, il vit dans un monde irréel et ne sait pas assumer. Les grands chefs sont pourtant ceux qui assument. L'ingratitude est la marque des faibles.
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"Nicolas Sarkozy ment", accuse-t-il encore en réponse aux affirmations de l'ancien chef de l'Etat pour qui Jérôme Lavrilleux, malgré ses dénégations, était au courant de l'état financier de sa campagne présidentielle. Et de dénoncer une utilisation abusive et illégale des "moyens de l’Elysée" pour "préparer sa candidature et mener sa campagne au jour le jour". Il explique :
"Je remarque juste que, lors de sa déposition, l’ancien chef de l’Etat indique avoir utilisé les moyens de l’Elysée, par le biais de ses conseillers présidentiels, pour préparer sa candidature, puis pour mener sa campagne au jour le jour. Cela est strictement illégal et c’est très symptomatique du fait que durant cette campagne tout le monde s’est affranchi des règles.
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Lors de son audition début septembre par la police, Nicolas Sarkozy a reconnu l'existence d'un système de fausses factures mais à d'autres fins, entre l'UMP alors dirigée par Jean-François Copé et Bygmalion, la société de ses proches. Des accusations qui ont rendu furieux le camp Copé et fortement tendu les relations Sarkozy-Copé ces dernières semaines.
Cinq figures de l'affaire Bygmalion se sont retrouvées chez les juges d'instruction toute la journée de vendredi pour une longue confrontation, la plus importante depuis le début de cette enquête. Parmi les cinq mis en examen arrivés au pôle financier dans la matinée, Franck Attal, le patron d'Event and Cie, filiale de Bygmalion et société prestataire des meetings, et Jérôme Lavrilleux, qui avaient révélé ce système frauduleux au printemps 2014.
Etaient également présents le directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy, Guillaume Lambert, l'ancien directeur général de l'UMP, Eric Cesari, et l'ancienne directrice des ressources du parti, Fabienne Liadze, qui nient avoir participé à une fraude. Les enquêteurs ont pourtant la conviction que des fausses factures ont permis d'imputer à l'UMP environ 18,5 millions d'euros de dépenses de meetings qui auraient dû figurer dans le budget de campagne du candidat.
[BONUS TRACK] Bientôt la retraite
Jérôme Lavrilleux dit etre un parlementaire européen heureux et libre. Mais l’homme au cœur de la tourmente Bygmalion est lucide sur l’avenir proche qui l’attend. "Je sais que je vais être poursuivi devant un tribunal et vraisemblablement condamné", dit-il, affirmant qu’il finira son mandat à Strasbourg avant de "changer de vie". "Tout est planifié", lance-t-il.
[BONUS TRACK 2] Lavrilleux ne veut pas finir comme Boulin
"Il m'arrive d'avoir peu", confie Jérôme Lavrilleux dans cette interview, expliquant qu'il ne veut pas finir comme Robert Boulin , ministre dans la tourmente retrouvé mort brutalement et pour laquelle une information judiciaire a été récemment rouverte :
"Je n’ai pas envie d’apprendre à nager dans 20 centimètres d’eau comme Robert Boulin. J’ai dit à mes proches que si un jour j’avais un accident de voiture, il faudrait faire une expertise. C’était de l’humour noir… quoique.
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