OUVERTURE - Interrogée par Le Monde jeudi 2 février, Marine Le Pen a été claire : si elle remporte la présidentielle, en mai prochain, son Premier ministre ne sera "pas forcément" une personnalité issue du Front national. Pas forcément sympathique pour les cadres frontistes qui s’échinent matin et soir à faire la promotion de leur candidate... Mais comme le veut la tradition, il n’y a qu’une seule ligne au FN, celle de la cheffe. Et si Marine Le Pen dit que son Premier ministre - si elle est élue présidente de la République - ne sera pas du FN, alors c’est ainsi.
Les différents cadres interrogés à ce sujet par le Lab à l’occasion des Assises du FN organisées à Lyon les 4 et 5 février ont ainsi tous expliqué à quel point cette idée de leur candidate était bonne. Mais vraiment bonne. Excellente même. "C’est une très bonne chose", s'enthousiasme ainsi Steeve Briois, vice-président du FN. Il ajoute :
"Pour elle, il faut rassembler les Français. Donc ça peut passer aussi par quelqu’un qui ne soit pas issu du sérail Front national. Il ne faut pas qu’il y ait un gouvernement dans lequel il n’y aurait que des gens issus du FN. Il faut ouvrir. L'objectif, c’est de rassembler les Français, c’est de faire 50% des voix. Si on ne parle qu’à nos électeurs, on n’y arrivera pas.
"
Stéphane Ravier, sénateur des Bouches-du-Rhône et maire du 7e secteur de Marseille, n’était pas au courant de cette volonté de Marine Le Pen. "Comme quoi il faut lire Le Monde parfois", s’amuse-t-il, histoire de rappeler que les relations entre le FN et les journalistes sont rarement apaisées. "Ça ne me choque pas", poursuit-il finalement auprès du Lab. "C’est le signe qu’elle se positionne comme une présidente de la République, comme une Présidente de tous les Français, et non plus d’un parti politique", résume l’élu FN, bien conscient que par ce genre d’annonce la candidate espère surtout gagner "ces voix qui [leur] manquent cruellement pour franchir la barre des 50% et obtenir une majorité".
L’ouverture comme condition sine qua non de la victoire. Voilà qui surprend de la part d’un parti en guerre ouverte depuis des lustres contre ce qu’il appelle glorieusement "l’UMPS". Sauf que 1) le Premier ministre de Marine Le Pen - si elle est élue - viendra plus vraisemblablement de la société civile que d’un parti (c’est en tout cas ce que l’on assure et et que l’on répète) et 2) si le FN veut gagner, il n’a plus le choix. Nicolas Bay, secrétaire général du FN, embraie :
"Notre objectif est de porter Marine Le Pen à l’Elysée et dans la foulée de lui donner une majorité bleu marine à l’Assemblée. Evidemment que cette majorité patriote ne sera pas composée exclusivement du Front national. Elle sera composée de tous ceux qui nous rejoignent. Il est en effet tout à fait envisageable que l’équipe gouvernementale qu’elle constituera [si elle est élue Présidente, NDLR] sera composée du Front national mais également de personnes qui nous auraient rejoint.
"
Même Bruno Gollnisch partage cet avis, c’est dire. "Pour le moment, on fait la course en tête. Ceci étant, il faut se méfier des sondages, même quand ils sont favorables. Rien n’est acquis. On ne vend pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Mais pour mettre en oeuvre notre programme de salut national, il faudra qu’il y ait une majorité de Français", explique le député européen. Et cette "majorité" ne se fera pas sans ouverture.
Reste que cette annonce de Marine Le Pen tue dans l’oeuf toute ambition de Matignon du côté de ses ouailles. Et alors, répond-on en choeur ? "J’ai le grand regret de vous dire que je ne suis pas attristé par cette déclaration parce que je considère que ma petite personne n’a pas à rougir de cela", jure Steeve Briois, le maire FN d’Hénin-Beaumont.
Même assurance du côté de Bruno Gollnisch. "Je ne suis pas déçu du tout. Je ne fais pas de la politique par ambition mais par conviction. C’est vrai que Jean-Marie Le Pen avait dit en 2002 que s’il gagnait les élections (sic), il me nommerait Premier ministre. Mais je vous rassure tout de suite : ma femme n’aime pas les rideaux de Matignon. Par conséquent, il n’est pas question que j’occupe cette fonction", s’amuse-t-il. Comme quoi, parfois, le suivisme politique tient à trois fois rien.