Dans une note confidentielle révélée par Le Parisien ce 16 novembre, la Cour des comptes met en doute le financement public de la Cité du cinéma de Luc Besson, ouverte fin 2012 en Seine-Saint-Denis et permettant la production en France de films de A à Z. Elle abrite également les étudiants de l'école Louis-Lumière, partie de Noisy-Le-Grand dans l'unique but de rejoindre la Cité du cinéma.
Cette note souligne que ce financement public a été "décidé par quelques hauts responsables publics", doute du "caractère général du projet" et mentionne Nicolas Sarkozy et Claude Guéant.
Les conclusions de la note sont sévères :
Le financement public de la Cité du cinéma, décidé par quelques hauts responsables publics (...) a été effectué pour permettre l'aboutissement du projet qu'une société privée portait pour son bénéfice, le caractère général du projet restant à démontrer.
Les conditions de montage et de financement de l'opération (..) sont susceptibles de caractériser le délit de détournement de fonds publics et de recel de ce délit.
En quoi Nicolas Sarkozy serait-il concerné ? Le Parisien parle, toujours sur la base de cette note confidentielle, d'une "insistance répétée de l'Elysée, entre 2009 et 2012, de voir aboutir ce projet pourtant risqué".
Les documents présents (...) font régulièrement mention de l'intérêt porté en haut lieu au projet, et notamment au souhaite de la présidence de la République de le voir aboutir.
Une volonté de "voir aboutir le projet" qui serait passée par Claude Guéant, selon cette note.
Ainsi, lorsqu'en 2009, les banques n'ont pas vraiment envie d'accorder les crédits indispensables au projet de Luc Besson, Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence de la République, est sollicité. Avec succès. Une solution de crédit sera finalement trouvée en 2010 grâce à la mobilisation du médiateur du crédit aux entreprises.
Claude Guéant aurait également été chargé de "débloquer la situation" vis-à-vis de la Caisse des dépôts, dont les services étaient réservés à l'égard du projet, voire carrément défavorables. La direction générale de la Caisse des dépôts a fini par donner son accord.
Enfin, la note de la Cour des comptes ne s'arrête pas au terme vague de "présidence de la République". Elle souligne les liens entre Nicolas Sarkozy et Christophe Lambert, directeur général d'EuropaCorp depuis juillet 2010, la société de production de Luc Besson à l'origine de la Cité du cinéma.
La note indique que ce publicitaire a "travaillé auprès de Nicolas Sarkozy pendant la campagne de 2007" et que son agence de com' a eu pour client l'UMP en 2009. Christophe Lambert est également devenu cette année-là le conseiller en communication de Jean Sarkozy, fils de l'ancien président.
Comme le souligne l'AFP, Christophe Lambert n'est pas le seul à faire le lien entre Nicolas Sarkozy et la Cité du cinéma. Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet du président durant un an puis conseillère à l'Elysée, a été embauchée par EuropaCorp en juillet 2010 comme secrétaire générale avant de quitter le groupe en 2012.
Selon Le Parisien, Christiane Taubira a "depuis peu sur son bureau" un signalement de la Cour des comptes pour alerter sur ces soupçons de "détournement de fonds publics". Une information que n'a pas souhaité confirmer son ministère auprès de l'AFP. La Cour des comptes n'a pas non plus voulu s'exprimer.
En septembre 2012, Aurélie Filippetti avait refusé d'inaugurer cette Cité du cinéma, une absence alors remarquée. Une "source proche du dossier" assure désormais à l'AFP que "l'histoire donne raison" à la ministre et évoque "des soupçons d'intervention du cabinet de Sarkozy" qui avait "tordu le bras des services de la caisse des dépôts et des consignations".
Edit 17 novembre : ajout de la mention sur Emmanuelle Mignon et sur Aurélie Filippetti.