Guéant est-il un néoconservateur ?

Publié à 15h12, le 08 février 2012 , Modifié à 17h31, le 08 février 2012

Guéant est-il un néoconservateur ?
Claude Guéant, le 2 décembre 2011 (Reuters).

Néoconservatisme. Le terme avait (presque) disparu du vocabulaire politique aux Etats-Unis depuis la victoire de Barack Obama et la montée en puissance du Tea Party, mais aussi en France. Il revient aujourd'hui avec la polémique sur les civilisations, qui agite depuis samedi les médias et l'Hémicycle.

Affirmer que "toutes les civilisations ne se valent pas" fait-il alors de Claude Guéant un néoconservateur ? La question mérite qu'on s'y arrête. Suivez le Lab.

  1. Un "néoconservateur à l'américaine" pour Slate

    Sur slate.fr

    C'est Daniel Vernet, journaliste et ancien directeur de la rédaction du Monde, spécialiste des relations internationales, qui donne le la sur Slate.fr. Il reconnaît dans les propos ultracontroversés du ministre de l'Intérieur Claude Guéant sur les civilisations l'influence des "neocons" américains.

    Quand au cours d’une réunion le 4 février en présence de l’UNI, mouvement étudiant proche de la droite populaire, le ministre de l’intérieur Claude Guéant déclare: 'Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas', il cite mot pour mot une des thèses fondamentales du néoconservatisme.
    Quand il ajoute: 'Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique. En tout état de cause, nous devons protéger notre civilisation', il est dans la droite ligne des penseurs qui ont inspiré les néoconservateurs américains depuis la fin des années 1960 jusqu’au deuxième mandat de George W. Bush

    Eva Joly, interrogée mercredi matin par BFMTV-RMC, estime pour sa part que le député apparenté PS Serge Letchimy "a eu raison de se révolter". "Il a pu être emporté par l'émotion, mais il a eu raison de dire très clairement sa position et de souligner le danger" de la position du ministre de l'Intérieur, qui est "celle des néo-conservateurs américains", ajoute l'eurodéputée écologiste.

  2. C'est quoi un "neocon" ?

    Sur larousse.fr

    A la base, le néoconservatisme est un courant de pensée politique né aux États-Unis dans les années 1970. Le Larousse précise :

    Animé par un groupe d'intellectuels américains virulemment anticommunistes, le néoconservatisme se constitue autour de la volonté d'en découdre tant avec le relativisme culturel qui leur semble prévaloir sur la scène intérieure qu'avec la realpolitik incarnée par Henry Kissinger dans le domaine des relations internationales.

    Se réclamant du philosophe Leo Strauss et de son disciple Allan Bloom, ainsi que de leur combat pour les valeurs, les néoconservateurs se prononcent pour un sursaut du géant américain. Si leur poids dans la détermination des orientations stratégiques du pays semble décliner à partir du milieu des années 1980, la chute de l'empire soviétique au tournant des années 1990 paraît confirmer leurs analyses et surtout confère aux États-Unis un rôle de garant d'un "nouvel ordre mondial" qui leur apparaît comme l'occasion de mettre en application leurs théories.

    Quelque peu écartés des cercles de décision au profit des réalistes sous les mandats de Bush père et de Bill Clinton, ils n'en continuent pas moins à diffuser leurs vues dans les milieux proches du pouvoir.

    À l'accession de Bush fils à la présidence, nombre d'entre eux (Paul Wolfowitz, Richard Perle ou Elliot Abrams) retrouvent des postes de responsabilité et/ou agissent en sous-main auprès notamment du vice-président Dick Cheney ou du ministre de la Défense Donald Rumsfeld.

    Les attentats du 11 septembre 2001 semblent accréditer la vision du monde des "neocons" mais l'enlisement en Irak et les rebondissements de la politique intérieure nationale conduisent au discrédit de leurs options et au retour au premier plan des tenants du réalisme politique.

    Un ouvrage a aussi son importance dans l'idéologie néoconservatrice : "Le Choc des civilisations" de Samuel Huntington, publié en 1996. Ce livre aussi influent que critiqué distingue huit grandes civilisations, et explique que chacune doit lutter pour ne pas disparaître au détriment des autres.

  3. La french touch

    Sur lemonde.fr

    Si certains lui accolent désormais l'adjectif de "néoconservateur" depuis ses déclarations sur les civilisations, Claude Guéant le doit à une personne : Yves Roucaute. Le philosophe est bien l'auteur de cette phrase : "contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas".

    En 2005, la plume de Guéant publiait un ouvrage, intitulé "Le néoconservatisme est un humanisme", et paru en 2005 aux éditions des Presses universitaires de France. Il y défend ce courant et tente de prouver que c'est la philosophie humaniste du Nouveau Monde.

    Difficile de dire s'il existe un néoconservatisme "à la française". Après le 11 septembre, il y a certes eu un alignement de certains intellectuels à la politique américaine au Moyen-Orient. Les philosophes André Glucksmann et Pascal Bruckner, via leur "Cercle de l'Oratoire", ont ainsi soutenu l’intervention militaire des Américains en Irak en 2003.

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