PRENDRE SES DÉSIRS POUR LA RÉALITÉ - Au PS, on ne fait (presque) rien dans les règles. "En 2011, on a organisé une primaire alors que ce n'était pas dans nos statuts. Maintenant que ça l'est, je pense que nous sommes capables de nous en passer", s’est amusé le porte-parole du PS et proche de Manuel Valls, Carlos Da Silva, au premier jour du Congrès de Poitiers, le 5 juin. Une primaire que François Hollande fait pour l’instant mine d’ignorer. Au point d’être persuadé que personne n’en avait parlé à Poitiers, lui l’ancien patron du PS qui est resté, en apparence, à distance de cette grand-messe socialiste.
Dimanche 14 juin, dans un long entretien à Sud Ouest , le chef de l’Etat a ainsi affirmé :
"- Sud Ouest : Au fait, souhaitez-vous des primaires au PS, ou à gauche ?
- François Hollande : Ce n'est pas à moi de le dire. J'ai compris qu'elles n'avaient pas été évoquées au congrès du Parti socialiste.
"
Eh bien c’est faux. Entre les désirs présidentiels et la réalité, il y a une petite marge. Car la primaire a bel et bien été évoquée par une foultitude de socialistes tout au long du week-end poitevin. Non seulement en off, dans les couloirs et les travées du Parc des Expositions de Poitiers, au moment où sortait un sondage disant que les sympathisants de gauche était favorable à une primaire, mais aussi en "on", en point presse ou à la tribune.
>> Les frondeurs et la primaire
Ainsi dès le premier jour Carlos Da Silva, signataire de la motion pro-gouvernement de Jean-Christophe Cambadélis, a tenté d’expliquer que c’était un non-sujet. Aussitôt après lui, Christian Paul, leader de la motion B et adversaire de "Camba" pour le poste de Premier secrétaire, a affirmé que la question de la primaire se poserait "au printemps-été 2016" :
"Nous sommes co-responsables de la réussite du quinquennat. Nous ne faisons pas de fixation sur la question de la primaire. C'est trop tôt, le sujet se posera au printemps-été 2016. Nous la réclamerons si elle semble utile, nous accepterons de ne pas l'organiser si elle met en danger la présence de la gauche au second tour.
"
Un Christian Paul qui a ajouté :
"La primaire ne doit pas être un tabou. Cela peut être une excellente façon pour toute la gauche de se réunir. Nous devrons y répondre au printemps mais d'ici là, il ne faut pas se rajouter des boulets aux pieds.
"
>> Même Valls en parle
Le samedi, même Manuel Valls lui-même a parlé de primaire dans son grand discours de chef de la majorité. Bien évidemment, ce n’était pas pour appuyer ce processus électif que le Premier ministre a évoqué le sujet mais pour souligner l’efficacité et les compétences organisationnelles des militants socialistes :
"Moi je respecte le PS et les militants du PS. Je suis militant depuis 1981 et je sais ce que je vous dois. Non, le PS n'est pas mort, parce qu'il y a les militants, les bénévoles qui savent se mobiliser, quand il faut par exemple organiser une primaire.
"
>> Une question au cœur de la motion D
Placée au cœur de la motion D, celle de la Fabrique, à mi-chemin entre frondeurs et légitimistes, la question de la primaire est ainsi revenue dans la bouche du député Yann Galut :
"Aux Etats-Unis, même le président sortant est confronté à une primaire. Les militants qui ont voté pour nous veulent une primaire et c'est une position que nous défendrons. Que François Hollande soit candidat ou pas, il en faudra une. Sans le rassemblement de toutes les forces au premier tour, nous ne passerons pas.
"
Même tonalité chez son comparse de la motion D, le député Alexis Bachelay qui a défendu le principe de la primaire à la tribune :
"Je vais aborder un sujet dont il a été peu question dans ce congrès et qui pour nous semble important. Je veux parler de la question des primaires. En 2011, nous avions fait entrer une belle conquête démocratique dans le paysage politique français avec l’organisation de la première primaire citoyenne de notre histoire. Depuis, même la droite se l’est accaparée avec la foi des nouveaux convertis. Plusieurs questions se posent à nous désormais : voulons nous, au PS, approfondir cette grande avancée démocratique ? Peut-on et doit-on travailler à de nouvelles primaires et sous quelle forme ? Car si primaire il y a en 2016, ce ne pourra être sous la forme que nous avons connu en 2011 et qui nous a pourtant si bien réussi. En effet, pour nous, François Hollande est le candidat naturel des socialistes. Mais la question qui nous est posée, c’est comment faire en sorte que le président de la République soit aussi le candidat de toute la gauche, des écologistes et des démocrates en 2017 ?
"
>> Au tour d’Aubry
Si le dimanche, dernier jour du congrès, a été parasité par la tribune tonitruante d’Arnaud Montebourg et Mathieu Pigasse dans le JDD, Martine Aubry, qui n’a pas pris la parole à la tribune à Poitiers, s’est exprimée dans le même quotidien dominical . Et a parlé… de primaire. Elle a dit :
"Il faut que le Président réussisse. S'il réussit, il est le candidat naturel. À quoi serviraient des primaires ? Et s'il ne réussit pas, la gauche perdra. À quoi serviraient, là aussi, des primaires? Les ego n'auront pas leur place.
"
En bien ou en mal donc, la question de la primaire a bel et bien été évoqué à Poitiers. N’en déplaise à François Hollande.