Nous sommes en 2016 et devinez de quoi on parle ce jeudi 1er décembre à l'Assemblée nationale ? Du droit à l'avortement. La faute à une proposition de loi socialiste soutenue par le gouvernement "pour punir de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, le fait d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une IVG". Sont principalement visés des sites internet supposés informer les femmes souhaitant interrompre leur grossesse mais qui, selon la proposition de loi, peuvent exercer "des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation".
Sur les bancs de l'Assemblée, beaucoup sont opposés à l'extension de ce délit d'entrave. Il s'agit des députés du groupe LR mais aussi de la députée FN Marion Maréchal-Le Pen ou encore de l'élu d'extrême droite Jacques Bompard. La journée de jeudi est donc une succession de débats autour des amendements déposés par les opposants.
Il est environ 16h lorsque Laurence Rossignol prend la parole. La secrétaire d'État à la Famille souligne une supposée incohérence de la part des élus de droite. "Vous avez tous dit qu'en réalité, vous n'étiez pas opposés à l'IVG, que vous étiez tous très attachés à la loi Veil, que vous étiez tous très favorables... La main sur le cœur, 'nous la loi Veil, l'avortement, j'vous jure, on n'y touchera jamais, c'est un droit des femmes'", commence-t-elle avant de pointer du doigt l'identité des orateurs du côté de Les Républicains. Elle dit :
"Je note simplement que lorsque l'Assemblée nationale a délibéré et voté de la résolution faisant du droit à l'avortement une liberté fondamentale, sept parlementaires ont voté contre. […] Sept parlementaires ont voté contre et sur les sept parlementaires, trois sont ici cet après-midi et sur tous les parlementaires que le groupe Les Républicains a désignés, chargés de les représenter aujourd'hui, aucun d'entre eux n'a voté la résolution en faveur du droit à l'avortement comme droit fondamental. Alors vous pouvez faire tout ce que vous voulez, mais il faudra en faire beaucoup plus pour lever nos inquiétudes et nos suspicions.
"
De fait, en novembre 2014, sept députés ont voté contre une proposition de résolution "visant à réaffirmer le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse en France" . Le texte était présenté 40 ans jour pour jour après l'ouverture des débats sur la loi Veil, le 26 novembre 1974. Xavier Breton, Nicolas Dhuicq, Yannick Moreau, Jean-Frédéric Poisson et Olivier Marleix avaient voté contre du côté de ce qui s'appelait encore l'UMP. Deux autres députés avaient voté contre : l'UDI Jean-Christophe Fromantin [ses explications ici ] et l'élu d'extrême droite Jacques Bompard. Gilbert Collard s'était quant à lui abstenu, estimant auprès du Lab que "le Parlement n'est pas un rendez-vous des anniversaires historiques mais le lieu où doit se faire la loi".
Ce jeudi 1er décembre, trois des sept orateurs du groupe LR avaient voté contre la réaffirmation du droit à l'IVG : Yannick Moreau, Nicolas Dhuicq et Jean-Frédéric Poisson.
Les quatre autres sont : Christian Kert, Philippe Gosselin, Gilles Lurton et Isabelle Le Callenec. Une femme pour six hommes. Cette situation inspire cette sortie à la députée PS Catherine Lemorton : "Au regard du syndrome costume-cravate qu'on observe sur vos rangs, où vous êtes la seule femme [à s'exprimer] sur ce texte, je me félicite de votre promotion au sein de votre parti politique", a-t-elle lancé à l'adresse d'Isabelle Le Callenec, nouvellement nommée vice-présidente de LR.
À noter que sur ces sept orateurs, cinq d'entre eux (Philippe Gosselin, Isabelle Le Callenec, Nicolas Dhuicq, Yannick Moreau et Jean-Frédéric Poisson) avaient proposé, en janvier 2014, des amendements visant à dérembourser l'IVG .
[BONUS TRACK] Cohérence ?
Lors des débats sur l'extension du délit d'entrave, Laurence Rossignol est frappée par certaines déclarations émanant des rangs de droite, comme celle de Jean-Frédéric Poisson qui dénonce "l'échec de la politique du tout-IVG". La secrétaire d'État à la Famille souligne ce qui s'apparente, selon elle, à une grosse incohérence. Selon la socialiste, ce sont les mêmes courants hostiles à l'IVG qui "considèrent que l'éducation à la sexualité, l'éducation à la contraception ne doit pas relever de l'Éducation nationale, qu'elle est de la seule responsabilité de la famille, qu'on ne doit pas se mêler d'aller expliquer aux jeunes comment on fait pour faire l'amour quand on a 16 ans sans risquer d'être enceinte, sans risquer de [contracter des] maladies sexuellement transmissibles".
Et Laurence Rossignol d'en profiter pour attaquer Laurent Wauquiez, non en sa qualité de vice-président de LR mais de président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle dit :
"Les mêmes qui ne veulent pas que dans les lycées, le planning familial, les associations pro-choix viennent expliquer aux lycéens comment ils peuvent se protéger des grossesses et des IST. Et vous nous expliquez qu'il devrait y avoir des alternatives à l'IVG pour une mineure ? Mais dans ce cas-là, soutenez la contraception, soutenez les campagnes. Condamnez monsieur Wauquiez… Monsieur Wauquiez siège sur vos bancs. Dites-lui de ne pas supprimer, comme il vient d'annoncer qu'il allait le faire, 30% des subventions du planning familial, ce qui va diviser par deux les interventions du planning dans les lycées de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ce qui va justement laisser les jeunes filles sans information et seules avec les familles. Et les familles, il y en a qui parlent, y en a qui expliquent, et il y en a pour qui c'est très difficile d'expliquer la contraception.
"
Fin novembre, Laurent Wauquiez annonçait vouloir réduire de 30% les subventions accordées par la région au planning familial . Dans les faits, cela devrait se traduire par une réduction, de moitié, de l'argent versé par Auvergne-Rhône-Alpes au fameux "Pass contraception". 30.000 euros devraient lui être attribués contre 60.000 euros actuellement. Les subventions de la région pour le "Pass contraception" seront donc inférieures à celles que Laurent Wauquiez souhaite accorder au syndicat étudiant de droite UNI, soit 50.000 euros .