VERBATIM - Sa parole est rare. Depuis sa nomination, en octobre 2012, comme deuxième déontologue de l’Assemblée nationale, Noëlle Lenoir, ancienne membre du conseil constitutionnel, s’exprime peu.
Ce mercredi 24 avril, alors qu’est présenté en conseil des ministres le projet de loi sur la transparence de la vie publique– une réponse de l’exécutif à l’Affaire Cahuzac – cette conseillère d’Etat, ancienne ministre de Jacques Chirac, était l’invitée de France Inter.
L’occasion pour le Perchoir de se pencher sur sa vision de la transparence et de son rôle, encore récent, de déontologue de la chambre basse. Morceaux choisis.
"La publicité, c’est extrêmement dissuasif"
>> Un rôle de conseil
Je vois souvent les députés, dans un climat de confiance, de confidentialité puisque dans mon rôle il y a celui de réceptionner les obligations déclaratives nouvelles qui leur sont imposées (cadeaux, intérêts, voyages parrainés…) mais aussi un rôle de conseil puisque le conflit d’intérêt, c’est une situation qui peut générer des incompatibilités qui relèvent de la loi mais qui peut aussi générer des soupçons de corruption. A cet égard, j’ai un rôle de conseil, de recommandation.
>> Les sanctions dont elle dispose
Je ne me sens pas alibi, sinon je n’aurais pas accepté. Mais surtout parce qu’il y a des possibilités de sanctions.
Il y en a deux. Premièrement, à travers ces obligations déclaratives, on change de pied. Le fait de mentir devient en soi un manquement qui peut d’ailleurs conduire à des sanctions pénales et qui sensibilise et responsabilise le parlementaire. Avec les médias, internet, les réseaux sociaux, il est relativement aisé de savoir si quelqu’un ment, sauf si c’est un grand fraudeur. Des fraudeurs du fisc, il n’y en a pas seulement dans la classe politique.
Deuxièmement, la sanction c’est le blâme public. C’est-à-dire que si je relève un manquement ou une déclaration inexacte ou insuffisante – il m’est déjà arrivé de revenir vers un parlementaire dans la période récente en lui disant que sa déclaration est incomplète ou ambigüe et dans l’heure, ils m’ont répondu de manière très précise – je saisirai le bureau. Et le bureau, c’est prévu dans le code de déontologie de l’Assemblée nationale qui date d’à peu près un an et demi, a la possibilité, voire le devoir, de publier le nom de ce parlementaire. Et je peux vous dire que cette publicité, ce blâme, c’est extrêmement dissuasif.
>> Pas favorable à la publication des patrimoines des parlementaires
On est aujourd’hui dans un changement culturel. La vie politique parlementaire ne peut pas rester totalement imperméable à ce qui se passe ailleurs et à la montée de la démocratie d’opinion.
Je ne suis pas favorable, enfin, je n’ai pas à me prononcer, à la publication des patrimoines des parlementaires. Les déclarations d’intérêt financier, tout ce qui peut générer des revenus et peut interférer avec le vote ou une quelconque initiative du parlementaire, oui.
Mais est-ce qu’on a besoin de savoir si vous avez hérité d’une maison de vos parents ou pas ? Je ne suis pas sure que cela ait un rapport avec le mandat.
>> Pour la publicité des avis du Conseil d’Etat
Je suis membre du conseil d’Etat. Mais le Conseil d’Etat, qui prône la transparence, garde fort le secret de ses avis. Je suis d’ailleurs pour la publicité de ces avis. Ce serait beaucoup plus sain.
>> "Je ne rends compte à personne"
Je dois garder la confidentialité absolue des contacts singuliers que j’ai avec les parlementaires puisque je suis seule, je les reçois seule. Et je ne rends compte à personne, même pas au Bureau ou au président de l’Assemblée.
>> Sa propre déclaration d’intérêt ?
Je suis parfaitement transparente. Toutes mes activités qui sont parfaitement légales ont été non seulement indiquées mais elles sont publiées sur internet. Bien que je ne sois pas une personnalité très célèbre, j’ai quand même du wikipedia.