Etat d'urgence : les députés divisés sur la possibilité de contrôler presse et radios

Publié à 18h52, le 18 novembre 2015 , Modifié à 14h50, le 11 décembre 2015

Etat d'urgence : les députés divisés sur la possibilité de contrôler presse et radios
Captures d'écran site Assemblée nationale

Les députés n'ont que quelques heures pour débattre du projet de loi qui proroge pour 3 mois l'état d'urgence décrété par le président de la République dans la nuit du 13 au 14 novembre suite aux attentats meurtriers à Paris

En commission, les députés - tous groupes confondus - annoncent que dans leur immense majorité, ils voteront cette loi. Pourtant, une mesure chiffonne certains. 

En effet, le projet de loi toilette la loi de 1955 . Parmi les modifications, l'une concerne la presse. La loi stipule que l'état d'urgence permet "d'habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales."  

Cette mesure, jamais utilisée depuis 1955, est supprimée, comme annoncé par Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement après le Conseil des ministres.

Mais voilà, cette suppression fait débat. Ainsi, un amendement de députés socialistes entend rétablir cette mesure de contrôle de la presse et de la radioL'amendement 41 , présenté notamment par la vice-présidente de l'Assemblée Sandrine Mazetier et le porte-parole du groupe Hugues Fourage, reprend la rédaction initiale de la loi. Les élus expliquent ensuite :     

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Au moment des attentats de janvier 2015, des manquements ont été constatés dans le traitement des attentats dans différentes publications, manquements qui ont pu mettre en danger nos concitoyens et les forces de l’ordre.



Cette disposition ne donne pas lieu à un contrôle systématique, elle ouvre une possibilité qu’il serait dommage de supprimer alors qu’elle peut participer à la protection de nos concitoyens.

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L'opposition, elle aussi a déposé un amendement en ce sens. ll propose cette formulation : "Il peut être procédé à l’interdiction totale ou partielle de publier ou de diffuser aux médias, quels que soient leurs supports, lorsque leurs publications constituent une menace pour la sécurité et l’ordre publics."

Les députés LR expliquent pourquoi il est nécessaire de conserver un moyen de limiter ou contrôler les médias   :

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En effet, personne n’ignore que les islamistes (salafistes et autres) disposent en France de publications régulières (magazines, blogs) ou de sites internet, largement reprises par les réseaux sociaux, qui contribuent par cette propagande, a maxima au recrutement des djihadistes, et constituent a minima une incitation directe à menacer la sécurité et l’ordre publics.



De sorte que, pendant la période fixée pour la durée de l’état d’urgence, les pouvoirs publics doivent être en capacité de restreindre ou d’interdire ces publications.

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Lors du débat en commission des lois, quelques heures après l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres, sur ce sujet, les voix restent discordantes.

Sandrine Mazetier défend son amendement. Elle explique : 

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Se priver de la possibilité de contrôler toute publication ... Je trouve que cette expression est suffisamment large pour ne pas stigmatiser les médias...Quoique tous les médias ne se valent pas, tous les journalistes ne se valent pas.



Je constate que, depuis les attentats de janvier, l'esprit de responsabilité à progresser dans les médias audiovisuels mais que malgré tout la pulsion de l'information, du direct involontairement peut amener des médias - ou pas du tout des médias - à diffuser en direct sur les réseaux sociaux de l'information qui peuvent mettre en danger nos concitoyens, les forces de l'ordre.



Je regrette franchement qu'on se prive de cette possibilité qui, par ailleurs , n'est en aucun cas une obligation.

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Du côté des sceptiques, des députés LR comme Marie-Jo Zimmerman. Elle estime, elle aussi, qu'il ne faut pas renoncer à cette disposition. Elle dit : 

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Il faut l'adapter (ce texte). Si on adapte le texte, il faut l'adapter aux nouvelles technologies, aux nouvelles façon de médiatiser, de communiquer. Il aurait été plus judicieux de moderniser.

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Du côté de ceux qui soutiennent la suppression, des socialistes comme Olivier Dussopt, député PS, qui se dit  "rassuré que certaines dispositions soient écartées notamment celle relative à la presse."

Même tonalité pour François de Rugy (pour le groupe écolo) qui explique :

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La liberté de la presse ne doit pas être remise en cause. Symboliquement, il est bien d'avoir supprimé la censure de la presse. Nous sommes attachés à ce que cette suppression demeure dans le texte final. 

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Un peu plus tôt, en début de réunion, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait expliqué les raisons de cette suppression. Il qualifie cette volonté de contrôle de la presse "d'illusoire" vue la "circulation de l'information sur internet et les chaînes d'infos satellitaires".

[EDIT 20h12] Finalement, Sandrine Mazetier, députée PS, a décidé de retirer son amendement. 

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