Examen de la loi sur la prostitution : les débats à l'Assemblée nationale

Publié à 15h00, le 29 novembre 2013 , Modifié à 18h27, le 29 novembre 2013

Examen de la loi sur la prostitution : les débats à l'Assemblée nationale

LIVE - Ce vendredi 29 novembre est débattue à l’Assemblée la proposition de loi sur la prostitution. Le texte comporte quatre volets : le premier vise à mieux lutter contre la traite et le proxénétisme, le second veut aider les prostitué(e)s à sortir de la prostitution, le troisième s'intéresse à l'éducation et à la prévention de la jeunesse et le quatrième concerne la pénalisation du client. C’est lui qui cristallise toutes les tensions. Les députés auteurs de la proposition de loi ont même dû renoncer à la peine de prison pour les clients.

Le Lab est à l’Assemblée ce vendredi et assiste à la discussion générale du texte, moment où les députés qui le souhaitent expliquent leur position. Morceaux choisis du débat.

[note : les photos présentes dans l'article n'ont pas été prises durant le débat]

>> Pas foule dans l'hémicycle pour la prostitution

Un débat en petit comité avec une quinzaine de députés de gauche, quatre écolos et une poignée de cinq parlementaires UMP et UDI. La faute au vendredi, expliquent les élus qui, pour beaucoup, sont rentrés dans leurs circonscriptions à la veille du week-end.

La faute également à un sujet qui gêne à gauche comme à droite. Au Parti socialiste où les opposants ne peuvent pas le dire trop fort. La proposition de loi est en effet censée être portée par l'intégralité du groupe PS. A droite où l'UMP et l'UDI sont traversés par des députés aux idées divergentes.

Najat Vallaud-Belkacem note ces absences, dit ne pouvoir "que le regretter" et fait référence à la loi Marthe Richard de 1946 qui a imposé la fermeture des maisons closes en France :

La loi Marthe Richard était passée dans les mêmes conditions et je ne doute pas que le sursaut viendra.

Et ajoute : "l'indifférence, quand elle conduit à un refus, s'appelle le mépris."

(François de Rugy - Maxppp)

Une phrase qui ne passe pas auprès du coprésident du groupe écolo François de Rugy. Lors de son intervention, il défend ses collègues n'ayant pas pu venir ce vendredi et juge que la formule de la ministre n'est "pas correcte" :

C'est un sujet grave et complexe qui ne mérite pas d’être traité de la sorte un vendredi après midi. (...) Beaucoup de collègues ont été empêchés d’intervenir car c’est aujourd’hui que ça se déroulait.

Ce à quoi la ministre répondra : "c'est ici que le débat se fait et pas dans la presse", regrettant que les tribunes soient plus nombreuses que les amendements.

>> Le plaidoyer anti-prostitution de Najat Vallaud-Belkacem

 (Najat Vallaud-Belkacem - Maxppp)

Si elle n'est pas officiellement à l'origine de la loi, la ministre des Droits des femmes s'en fait la première avocate. Dans son discours introductif, Najat Vallaud-Belkacem parle d'un "moment de révélation pour notre société" et égraine toutes les mauvaises raisons qui, selon elle, font que certains pensent encore que l'on peut payer le corps d'une femme :

Parce que cela a toujours été comme ça disent certains. Les femmes s’achètent, ce serait une loi cachée du monde. Il y aurait une loi de gravité qui ramènerait systématiquement les femmes en dessous des hommes. (...)

Quelle paresse intellectuelle de s’arrêter là ! (...) Je n’ose croire que parmi vous, vous puissiez être atteint par cette idée.

La ministre s'indigne également contre ce reste de "droit de cuissage" qui veut que certains évoquent un "besoin irrépressible des hommes" :

Nous ne sommes pas des bêtes, nous sommes au-delà de l’état de nature.

Quant à la souffrance sexuelle ou affective de certains, autre argument évoqué pour légitimer l'achat d'acte sexuel, Najat Vallaud-Belkacem répond :

La détresse de l’un ne se soigne pas par l’exploitation de la détresse de l’autre.

Dernier argument, celui de la volonté des femmes de se prostistuer. La ministre rappelle au passage que sa loi n'est pas "moraliste", comme certains, y compris chez les socialistes, le pensent :

Pourquoi payer le corps d’une femme ? Parce qu’elles y consentiraient? Voici l’argument le plus facile et le plus paresseux, le plus inopérant pour justifier l’achat de service sexuel !(...)

Le sujet n’est pas la sexualité, nous ne sommes pas là pour faire la police des mœursmais pour faire corps avec nos principes les plus essentiels.

En punissant le client et en faisant de la personne prostituée une victime, la ministre dit vouloir également envoyer un message aux réseaux de traite :

Les réseaux nous regardent, ils suivent ce que nous faisons, ils guettent les failles de notre législation. Notre pays n’accueille pas la prostitution, nos portes resteront fermées au vent mauvais des trafics !

>> Guy Geoffroy n'est pas un "pudibond poussiéreux"

 (Guy Geoffroy - Maxppp)

Guy Geoffroy est président UMP de la commission spéciale sur la prostitution et surtout co-auteur d'une proposition de loi qui, en 2011 déjà, s'intéressait à la prostitution et préconisait la responsabilisation du client. Cette loi n'avait jamais été inscrite à l'ordre du jour. Le député est soucieux, dans toutes ses interventions, de ne pas passer pour un moralisateur. C'est encore le cas ce vendredi :

Ce n'est pas un valet servile de la pudibonderie poussiéreuse, un représentant vieillot d’un moralisme béat qui est monté à la tribune. C’est un représentant du peuple (...) qui vient tranquillement mais fermement dire à ses collègues il ne faut pas laisser passer le train de notre responsabilité.

>> Jean-Louis Borloo "ne sait pas"

Le président du groupe UDI fait partie de ceux qui demandent, comme les écolos, un renvoi en commission. Car il n'a pas encore d'avis sur le sujet :

Le renvoi en commission peut être la quête d'une recherche de conviction. Au fond du fond, je ne sais pas quelle est la bonne décision.

>> Alain Tourret : "Vous banalisez le viol !"

L'orateur du groupe des radicaux de gauche, Alain Tourret, cible un point précis de la proposition de loi : l'achat d'acte sexuel doit être puni d'une contravention de 5e classe. Il ne s'agira donc pas dans le droit pénal d'un délit. Incohérent pour le député qui estime que la prostitution s'apparente à un viol :

Que quelqu’un subisse un tel choc, violentée par la suite par l’ensemble des maquereaux et de toutes les personnes qui s’acharnent sur elle, et ce serait une contravention !

Vous banalisez le viol avec ça ! Rendez-vous compte que vous êtes en train de dire que le viol est pénalisé par une contravention ?!

>> Et dans ce cas pourquoi ne pas punir la pornographie ?

François de Rugy n'est pas favorable à la proposition de loi même s'il dit être proche de la position abolitionniste qu'elle défend. Le député écolo pense que la pénalisation du client va aggraver la clandestinité des personnes prostituées alors que la traite, l'exploitation, sont "le problème central".

L'élu se dit "personnellement dérangé" par l'échange monétaire autour de l'acte sexuel mais estime que cela ne suffit pas à la pénalisation du client. Et pour faire comprendre cet argument, il fait un parallèle avec la pornographie : si c'est l'achat d'acte sexuel que l'on punit, pourquoi ne pas sanctionner la pornographie ?

Voici son raisonnement :

Je peux concevoir, et ce serait plutôt ma position, d’être pour l’abolition de la prostitution car l’idée qu’il puisse y avoir un échange monétaire autour de l’acte sexuel est une idée qui personnellement me dérange.

Je note d’ailleurs que, si c’était cette idée-là qui devait guider l’opposition à la prostitution par la pénalisation du client, on devrait aussi par exemple traiter - on aurait pu le faire dans cette proposition de loi - de la pornographie puisque dans la pornographie, il y a quelqu’un qui vend l’usage de son corps et ce sont souvent des femmes, et ce sont des actes sexuels.

Et il y a quelqu’un qui fait de l’argent avec, celui qui produit le film, et est-ce que celui qui loue ce film est à son tour un client?

Cette question est toujours étrangement occultée.

Du rab sur le Lab

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