Jean-Luc Mélenchon décrypte ses énervements très contrôlés

Publié à 11h27, le 26 mars 2013 , Modifié à 12h00, le 26 mars 2013

Jean-Luc Mélenchon décrypte ses énervements très contrôlés
Jean-Luc Mélenchon sur France Inter le 26 mars 2013 (montage Le Lab)

Pierre Moscovici digne des "dix-sept salopards" qui "ne pense plus en français" ... Les attaques formulées par Jean-Luc Mélenchon le 23 mars à l'égard du ministre de l'Economie ont été largement évoquées ce mardi sur France Inter.

Invité de la matinale, le leader du Front de gauche a réagi en deux temps : 1) l'énervement et 2) l'explication. Car selon qu'il réponde à un journaliste ou à un auditeur, Jean-Luc Mélenchon n'utilise pas la même rhétorique. Du premier, il regrette l'obsession de la petite phrase. Au second, il vante ses attaques très contrôlées.

1 - Et le tribun monta sur ses grands chevaux

Il est 8h20 à peine passé lorsque Patrick Cohen commence à interviewer Jean-Luc Mélenchon. "A quoi servent les invectives en politiques ?", débute le journaliste en référence à ses mots du week-end.

Apparemment contrarié qu'on lui en reparle, l'eurodéputé va passer les minutes suivantes à fustiger le "système médiatique" qui se focalise uniquement sur les dites invectives et pas sur le fond. A commencer par Libération qui écrit ce 26 mars "Toutes les outrances semblent désormais bonnes pour sortir du lot".

Jean-Luc fait alors du Mélenchon :

Oh pauvres petits biquets ! Libé qui, tous les jours, sort des vannes à deux balles sur tous les sujets, qui a fait un titre contre Sarkozy qui était spécialement injurieux … Alors maintenant, Libé a le cuir sensible de la société convenue !

Puis Jean-Luc Mélenchon critique la réaction des médias en général qui ne "parlent pas comme le peuple" :

Il y a quinze jours, vous étiez tous rassemblés autour de la momie d’Hessel en train d’agiter vos palmes. Indignez-vous, c’est magnifique ! Mais il faut s’indigner dans le langage de la bonne société, il faut dire "prout prout", il faut parler gentiment. (...)

Ce n’est pas comme ça que s’exprime le peuple. Les gens en ont par-dessus la tête, ils ont besoin de dirigeants qui parlent dru et cru, qui disent les choses comme elles sont.

Bref, revenir en permanence sur ses phrases choc est une perte de temps, sermonne Jean-Luc Mélenchon, arguant qu'il aimerait qu'on s'intéresse à ses propositions mais multipliant les saillies qui retiennent l'attention.

2 - De l'utilité de l'invective

Vingt-cinq minutes plus tard, dans la seconde partie de l'émission, le ton a changé. Jean-Luc Mélenchon s'est adouci et répond désormais aux questions des auditeurs par téléphone. L'un deux l'interroge à nouveau sur l'utilité de ses phrases choc voire choquantes. Ne doit-il pas prendre une "stature plus posée" pour faire adhérer plus largement aux idées du Front de gauche ?

Nettement moins contrarié, son coprésident va calmement expliquer l'intérêt de lancer, de temps à autres, ce qu'il appelle des "obus". Et comment il les utilise à dessein :

J’ai passé des années à dire les mêmes choses qu’aujourd’hui sans qu’elles aient l’écho qu’elles ont aujourd’hui.

Le système médiatique va d’abord chercher à normaliser et il prend tout ce qui sort de la norme.

Notre tactique consiste à s’appuyer sur ce réflexe du système médiatique par un effet de judo, en tirant de notre côté avec un ou deux mots obus qui permettent de créer de la conscience et du débat. On y arrive parfaitement.

Jean-Luc Mélenchon concède que son intervention sur Chypre durant le week-end - celle où le mot "salopard" a été prononcé - n'aurait pas eu le même écho sans ces obus :

Si nous avions expliqué pour la énième fois le traité budgétaire européen, le six-pack, le two-pack sur lequel j’ai écrit des centaines de lignes ... ! J'ai parlé de l’économie de la mer je ne sais combien de temps dans mon discours… Il n’en est rien resté.

Le système ne s'intéresse qu'à ce qui dysfonctionne, il faut l'utiliser.

Mission presque accomplie. Après, au total, une dizaine de minutes consacrées à ses seules invectives, Jean-Luc Mélenchon a pu parler de Chypre sur France Inter. 

S'adressant de nouveau aux journalistes, qu'il nomme les "curés médiatiques", Jean-Mélenchon conclura, très satisfait, la séquence "phrase choc" :

Moi ça me fait bien rigoler car, une fois de plus, je vous ai bien roulés dans la farine !

Du rab sur le Lab

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