"Jeannette Bougrab : dégage !"

Publié à 14h48, le 06 décembre 2011 , Modifié à 10h17, le 07 décembre 2011

"Jeannette Bougrab : dégage !"
Jeannette Bougrab, le 26 novembre 2011, à Paris. (Maxppp)

Dans une tribune publiée sur le Lab, Aurélien Véron pousse un coup de gueule contre la secrétaire d'Etat à la Jeunesse, Jeannette Bougrab, seul(e) membre du gouvernement à s'inquiéter publiquement de la montée des "islamistes modérés" au Maroc, en Egypte et en Tunisie. Actuellement en Tunisie, le président du Parti libéral démocrate (PLD) s'insurge contre des propos qu'il juge trop simplistes.

  1. Le jugement à l'emporte-pièces d'une apparatchik

    Pour notre secrétaire d'Etat, la Tunisie, l'Iran, l'Arabie Saoudite ou l'Egypte, c'est Kif-kif bourricot. Ce jugement à l'emporte-pièces d'une apparatchik qui a oublié ce qu'est le monde hors des dorures de la république, est pathétique. Bougrab se révèle meilleure dans la tonte des contribuables, si on se rappelle sa présidence de la HALDE à 6.900 euros par mois (elle avait tenté de se passer en douce à 14.000 euros par mois avant d'être démasquée) avec en plus une secrétaire, une assistante personnelle et une voiture avec chauffeur sans parler de "l'indemnité de résidence". Et tout ça pour quoi, je vous le demande ? Pour finir en nous annonçant doctement que les Arabes votent mal, et que les musulmans pratiquants sont des monstres en puissance, c'est assez fort.

    Tuez et torturez-les tous, dieu reconnaitra les siens.

    Son argument à longtemps été celui qui a justifié le maintien au pouvoir de Ben Ali, de Moubarak, d'El Assad ou, encore aujourd'hui, de Bouteflika. Tuez et torturez-les tous, dieu reconnaitra les siens. Ça vaut toujours mieux que de risquer d'avoir des islamistes au pouvoir. Jamais elle ne s'est demandée si des porcs comme Ben Ali ne nourrissaient pas la montée d'un conservatisme prétendument éthique et respectueux des ailleurs de la société civile, voire d'un islamisme plus virulent en Égypte ? Alors elle nous parle d'islamistes, mais des islamistes comment ? Comme l'AKP d'Erdogan en Turquie ? Ou comme les wahhabites saoudiens financés et protégés par les États-Unis...et un peu l'Europe ? Personne, et surtout pas elle, ne s'est vraiment penché sur les expériences, les attentes, les clivages récents des différents mouvements qui ont une chance d'accéder au pouvoir au Maroc, en Tunisie ou en Égypte. Ce dernier se prépare peut-être à des jours bien sombres avec l'arrivée conjointe des salafistes et des frères musulmans, quoique. L'observation fine de ces derniers révèle son lot de surprises. Mais après, le Maroc et la Tunisie ne sont pas comparables.

    Un sentiment de déclassement collectif vis-à-vis de l'Occident railleur.

    Aujourd'hui, j'ai rencontré plusieurs responsables d'Ennahdaà Tunis, ainsi que le fils de l'un des deux fondateurs du mouvement il y a 30 ans. Surprise, la première remarque que j'entends du responsable présent, c'est la sincère reconnaissance envers la France de l'avoir accueilli pendant 10 ans comme réfugié politique. La leçon qu'il a retenue de son combat et de ces nombreuses années passées en France, c'est que la liberté est une valeur qu'il juge essentielle, tout bon "islamiste modéré" qu'il soit. Pour lui, il n'est pas question de la restreindre en Tunisie. Le succès du parti ? La quête identitaire d'un pays qui a progressivement perdu tous ses repères sous la main de fer de l'ancien régime, et qui vit un sentiment de déclassement collectif vis-à-vis de l'Occident railleur. Occident qui regarde encore la Tunisie de haut en se déclarant "vigilant" (dixit Juppé) comme un vigile de grande surface face à la caillera. Sympathique.

    Crédit vidéo : Alain Juppé sur France Inter le 26 octobre 2011, vidéo montée et hebergée par TF1.fr.

    Évidemment, il ne faut pas être naïf. La plupart des responsables de ce parti ont été torturés et ont passé de nombreuses années dans les geôles tunisiennes, souvent sans livres et sans journaux pour être coupés du monde et des idées. C'est une vieille garde usée et éloignée des préoccupations plus prosaïques des Tunisiens. Ils n'aiment pas le salafisme importé mais doivent composer avec les marginaux qui le défendent avec virulence, au risque de perdre leur crédibilité en jouant avec le feu. Ils n'ont pas de réponse construite pour lutter contre le chômage et pour la prospérité. Quoi qu'on en ait dit, la liberté économique à reculé sous les années Ben Ali. Aujourd'hui, les attentes des Tunisiens sont essentiellement tournées vers l'emploi,et la croissance. Ils doutent d'eux-mêmes face aux difficultés à surmonter. Les partis dont j'ai pu rencontrer les représentants n'ont pas de problème à travailler avec Ennahda, ou à le traiter comme une opposition légitime. Ils savent que l'enjeu est essentiellement économique dorénavant. Et ceux qui se sont le plus opposés au retour des valeurs identitaires (la gauche dure en général), ont fait des scores dérisoires.

    Sans le savoir, Jeanette Bougrab vient d'apporter la meilleure preuve qu'une autorité de lutte contre les discriminations est une escroquerie bureaucratique qui n'aime ni la liberté chez les autres, ni les pratiques qui sortent de la charia républicaine.

  2. L'interview de Jeannette Bougrab dans Le Parisien

    Sur leparisien.fr

    Aurélien Véron réagit à une interview accordée samedi par la secrétaire d'État à la Jeunesse au journal Le Parisien dans laquelle elle sort de son domaine de compétence et s'inquiéte du succès politique des islamistes au Maroc, en Tunisie et en Egypte.

    EXTRAIT

    C’est très inquiétant. Je ne connais pas d’islamisme modéré. [...] Il n’y a pas de charia light. 

  3. Accusée de "haute trahison" par Matignon

    Sur leparisien.fr

    Selon Le Parisien daté du mardi 6 décembre, cette interview de Jeannette Bougrab a provoqué la fureur de François Fillon.

    Jean-Paul Faugère, le directeur de cabinet de François Fillon, [...] lui a reproché de remettre en cause la politique étrangère de la France, allant jusqu’à l’accuser de 'haute trahison' !

  4. Maladroite mais pleine de bonnes intentions ?

    Sur romainblachier.fr

    Le lyonnais Romain Blachier nous a soumis en commentaire un lien vers son propre billet

    Comme notre blogueur Aurélien Véron, il dénonce les grandes généralités de la Secrétaire d'État s'exprimant sur des islamistes incomparables en fonction qu'ils vivent au Maroc, en Tunisie ou en Egypte. 

    Mais, selon lui, Jeannette Bougrab a au moins eu le mérite de "mettre un coup de pied dans la fourmillière".

    EXTRAIT de son blog

    [...] Bougrab a raison sur un point. Il est en effet surprenant de voir certains commentateurs faire soudainement des Fréres Musulmans, islamistes, un rempart pur et fier contre le radicalisme.

  5. Cet article se construit avec vous !

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