Si le travail et l'emploi sont au coeur des débats dans la course à l'Elysée, pour Delphine Dumont, l'entrepreneur est un des oubliés de la campagne électorale. Pour notre blogueuse, la droite comme la gauche négligent ces créateurs d'emplois et de richesse.
L'asservissement français
Le grand négligé de cette campagne 2012, c'est l'entrepreneur. Je ne parle pas du dirigeant de grande entreprise qui est, lui, la cible des attaques des candidats tout en étant courtisé discrètement lors de dîners mondains. Je parle de celui qui a créé son emploi ou son entreprise, ou qui envisage sérieusement de le faire.
Dans le discours sur le travail de Nicolas Sarkozy à Lille, le mot "entreprendre" n'est prononcé qu'une fois. Le mot "entreprise" revient 24 fois mais toujours dans le sens de "communauté réunissant des employés". Même à droite, la création d'entreprise est totalement oubliée !
Depuis le XVe siècle, le mot entreprendre a pris son sens actuel, celui de "prendre un risque, relever un défi, oser un objectif ". Ce n'est jamais simple ou facile, même pour un fils-à-papa. Le risque d'échec est toujours présent. Une idée brillante sur le papier peut se révéler un fiasco lorsqu'on la met en œuvre. La part d'incertitude est telle qu'il faut un véritable courage pour se lancer.
Il faut également un capital de départ qui permettra de payer les premiers frais et de vivre en attendant les premiers revenus. Il faut aussi savoir renoncer au confort de la vie de salarié pour accepter des journées de douze heures, des mois, voire des années sans vacances et des urgences qui réduisent encore les temps de repos. Il faut aussi être polyvalent : en plus de son cœur de métier, il faut savoir gérer l'administratif, les revenus et les dépenses, vendre ses services ou ses produits, se faire connaître, connaître sa concurrence et ses partenaires potentiels, etc., etc.
Enfin, et c'est bien le pire, créer son emploi ou son entreprise, c'est hélas aussi devoir lutter contre l'administration. Bien sûr, il y a eu des améliorations comme la création du RSI qui a regroupé plusieurs caisses de recouvrement de cotisations, le statut d'autoentrepreneur, très imparfait et manquant de clarté mais allant dans le bon sens, etc.
Malgré cela, il faut savoir que Kafka dirige toujours l'administration française. On peut vite en avoir la conviction en lisant par exemple les billets de Jaddo, médecin libérale : "Urssaf, mon amour (Quel étrange cri…) " et "Urssaf, mon amour ma beauté mon trésor, mon obsession " ; ou en faisant une recherche Google avec les mots "problèmes RSI".
L'aventure de la création d'entreprise reste belle à vivre et, dans une certaine proportion, elle est l'un des remèdes au chômage, elle mériterait donc d'être très largement encouragée. C'est tout le contraire que l'on constate ! Les candidats n'en parlent même pas. Lorsque le mot "patron" est prononcé, c'est pour vilipender cet homme ou cette femme qui ose donner du travail à des gens contre un salaire !
Pour la gauche, le patron n'est qu'un salaud qui mange des chatons au petit déjeuner et des enfants au déjeuner. Entre les deux repas, il occupe ses matinées à licencier ou harceler son personnel. L'après-midi, répit pour les employés, le patron est au golf où il discute sur un ton méprisant des ouvriers avec d'autres pervers. Si en plus, ce salaud de patron réussit et s'enrichit, il ne mérite que le bannissement et l'exil (à Genève, par exemple). Et tant pis pour les recettes fiscales !...
Pour la droite, c'est presque pire. Elle sait bien qu'elle doit soutenir l'entreprenariat, ce qui a d'ailleurs été fait partiellement comme je le disais plus haut, mais elle sait aussi qu'elle ne peut pas trop en parler tant le risque est grand d'être taxée d'ultra-libérale. Gilles de Rais est un bienfaiteur de l'humanité à côté d'un libéral dans notre beau pays, alors pensez donc, ultra-libéral...!
Pourtant, ne pourrait-on enfin, un jour, comprendre la force de ce qu'on appelle le rêve américain ? Cette certitude que le travail et le courage finissent par payer n'est-elle pas un moteur important qui nous fait gravement défaut ? Pourquoi tant de jeunes souhaitent-ils devenir fonctionnaires si ce n'est parce qu'ils ne croient plus en l'entreprise privée ?
Bien sûr, le rêve américain a montré ses limites et il a aujourd'hui un sérieux coup dans l'aile, mais il en reste suffisamment pour qu'on l'utilise avec profit en France. Il faut en finir avec cette idée qu'un Français ne peut être qu'employé ou, à défaut de pouvoir trouver un travail, dépendant des aides sociales. Pour s'en convaincre, rappelons-nous du courage extraordinaire des pieds-noirs rapatriés d'urgence en métropole et qui ont dû repartir à zéro. Ils ont, dans l'ensemble, plutôt bien réussi.
Retrouvez Delphine Dumont sur son blog et sur son compte Twitter .