Mais qui organise la campagne "lecentrenestpasdegauche.fr" ?

Publié à 17h20, le 22 mars 2012 , Modifié à 19h36, le 22 mars 2012

Mais qui organise la campagne "lecentrenestpasdegauche.fr" ?
capture d'écran, site lecentrenestpasdegauche.fr

Une campagne web qui veut inciter les électeurs centristes à "ne surtout pas voter à gauche" essaye de se faire remarquer, depuis quelques jours, sur internet.

Les moyens déployés sont conséquents : un site internet, deux vidéos, des modifications sur wikipédia.

Problème : sa paternité, officiellement parlementaire, est très contestée.

Aveu d'humilité : nous avons essayé de déterminer qui se cache derrière la campagne, sans totalement y parvenir pour l’instant. Cet article est donc un "work in progress", et vous pouvez nous signaler toute information pertinente sur le sujet.

  1. De quoi on parle ?

    Sur lecentrenestpasdegauche.fr

    "Le centre n’est pas de gauche", c’est une campagne de communication politique sur internet qui a débuté il y a maintenant un peu plus d’une semaine – et qui, pour tout dire, peine encore à se faire remarquer, au vu des statistiques de fréquentation très mitigées des contenus produits.

    Elle consiste à inciter les électeurs du centre à ne surtout pas "s'égarer" vers la gauche, et est organisée sur le principe du reveal : le sens de la campagne doit rester "secret", pour entretenir le suspense, jusqu'à la fin de la campagne.

    En l'occurence, il s'agit de soutenir l'un des candidats à l'élection présidentielle.

    Celui qui, aux yeux des créateurs de la campagne, incarnera donc le mieux les valeurs "du centre".

    • C’est encore deux vidéos à vocation virale, diffusées à une semaine d’intervalle, les 12, et 21 mars. 

    La première est une référence à … l’appel du 18 Juin, lancé par le Général de Gaulle depuis Londres, acte fondateur de l'entrée dans la Résistance :

    Grand écart pour la deuxième, puisque l’on se déplace vers … des toilettes : 

    Les modifications apportées consistent notamment à faire passer à la postérité de l'encyclopédie participative, la contribution de plusieurs parlementaires UMP, qui se voient ainsi reconnus comme "héritiers de l'UDF, canal historique" :

    • Enfin, pour faire connaître leurs contenus, les instigateurs de la campagne ont pris le temps de solliciter notre blogueur associé, Guy Birenbaum, prétextant une fausse reprise de leurs contenus … sur Europe 1 (ce qui n'était pas le cas) : 

    @guybirenbaum on me dit que vous auriez parlé de notre vidéo youtube.com/watch?v=p1hf2S… samedi dernier est-ce possible ???

    — Cnestpasdegauche (@Cpasdegauche) Mars 20, 2012

  2. Le message politique : les héritiers de l'UDF doivent voter à droite !

    Sur dna.fr

    Politiquement parlant, le site correspond, trait pour trait, au message véhiculé par la mouvance "centriste" de l’UMP, une partie des héritiers de l'UDF.

    Celle-là même qui s’est réunie mardi 6 mars à l’Assemblée nationale autour de Pierre Méhaignerie, et en présence de Jean-Louis Borloo, comme le racontait le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace, dans son édition du 7 mars.

    Deux candidats pourraient donc bénéficier, au final, d'un soutien : François Bayrou, et Nicolas Sarkozy.

  3. Alors, qui est derrière ? La patate chaude …

    Le Lab a évidemment cherché à contacter les auteurs de la campagne. Sur twitter, nous avons été renvoyés sur une adresse anonyme en format  "@gmail.com", lecentrenestpasdegauche@gmail.com.

    Une demande plus tard, c’est un certain "Emmanuel Dupuit" qui rappelle.

    Il se présente comme le prestataire de la campagne, qu’il assure être soutenue par "un groupe de dix à vingt parlementaires", et indique que les trois parlementaires cités dans la modification de page wikipédia sont proches de la campagne.

    Interrogé pour connaître l'identité de son client, voilà la réponse apportée :

    "Mon client est un parlementaire".

    Problème : Emmanuel Dupuit est une identité bidon, ce que notre mystérieux interlocuteur finit par concéder. Il nous laisse un numéro de téléphone portable. Qui sonne depuis dans le vide… . 

    Quid du soutien des parlementaires ? Nous avons contacté Fabienne Keller, sénatrice UMP, ancienne maire de Strasbourg, qui participait elle-aussi à la réunion des parlementaires centristes de l'UMP.

    Tout en affichant une "sympathie de principe" avec la campagne, Fabienne Keller nous a assuré la découvrir avec notre appel, et n'avoir aucun lien direct avec elle :

    Je pense que ce sont quelques jeunes proches de notre mouvement, qui utilisent les moyens de communication adaptés pour véhiculer un message dans lequel je me reconnais a priori parfaitement. 

    Marc-Philippe Daubresse oppose lui aussi un ferme démenti :

    Je ne suis pas à l'origine de cette campagne, je ne vois pas ce que je pourrai vous dire là-dessus,

    La campagne pourrait-elle profiter au MoDem ? Matthieu Lamarre, responsable de la campagne internet de François Bayrou, tout en expliquant avoir été contacté à de nombreuses reprises sur le sujet, explique lui aussi n'avoir aucun lien avec la campagne.

  4. Le budget, le nerf de la guerre ?

    Sur europe1.fr

    Alors, pourquoi cette difficulté à endosser la responsabilité de la campagne ? Officiellement, bien sûr, il y a la volonté d'organiser le "teasing".

    Mais Le Lab a une autre explication pour expliquer le soudain silence des "créateurs" de cette campagne : en France, dans le cadre de la campagne électorale, toutes les initiatives de communication sur internet, dès lors qu'elles sont assumées par un candidat, doiventêtre déclarées dans les comptes de campagne. Qui sont plafonnées.

    Les budgets web des équipes de campagne restent d'ailleurs relativement limités, autour de deux ou trois millions d'euros pour les plus gros candidats, et quelques centaines de milliers d'euros pour les autres, tout au plus. 

    Or, la campagne lecentrenestpasdegauche.fr, avec la production d’une vidéo hebdomadaire très soignée pendant plusieurs semaines, le développement d’un site internet, l’animation d’un compte twitter, représente facilement un budget de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

    Une somme non négligeable, quand viendra le temps de justifier des frais engagés dans la campagne.

    Le "paysage internet politique français" avait déjà connu ce genres de campagnes : c'était en 2009, pour les élections européennes, autour d'un buzz savamment orchestré, baptisé L pour Libertas ... .

Du rab sur le Lab

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