La baisse du chômage relève-t-elle de la manipulation statistique ?

Publié à 13h18, le 26 septembre 2013 , Modifié à 07h13, le 27 septembre 2013

La baisse du chômage relève-t-elle de la manipulation statistique ?
(Reuters)

La baisse du chômage est amorcée mais peut-on s'y fier ? Michel Sapin lui-même a tenu à se montrer très prudent ce 26 septembre sur France Inter, expliquant que cette baisse devait être "durable" pour qu'il y ait une réelle inversion de la courbe. La faute à de très troublantes cessations d'inscription sur les listes de Pôle Emploi, particulièrement nombreuses en août 2013 : plus 38% en un mois.

Une augmentation relevée par l'opposition qui crie à la "manipulation statistique". A l'image de Jean-François Copé sur BFMTV ce jeudi :

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Le chômage ne baisse pas. Le résultat du mois d’août est marqué par un élément qui fausse complètement toute lisibilité statistique : il y a eu 77.000 non-réinscriptions sur les listes de Pôle Emploi. Comment peut-on alors dire que le chômage a baissé de 50.000 ? [le nombre total de chômeurs en moins en catégorie A en août, soit une baisse de 1.5%, ndlr]

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La Dares, organe statistique du ministère du Travail, en convient : 38% supplémentaires de cessations d'inscription pour défaut d'actualisation - autrement dit des demandeurs d'emploi ne s'étant pas manifestés sur le site de Pôle Emploi en août et sortant alors automatiquement des listes - c'est "exceptionnel ".

> Exceptionnel à quel point ?

Un graphique diffusé par le rédacteur en chef d'Alternatives économiques, Guillaume Duval, montre à quel point cette hausse est inhabituelle, même si elle progresse depuis avril 2013.

On remarque également qu'un pic a lieu à chaque été, laissant penser que les demandeurs d'emploi sont moins vigilants dans leur actualisation à cette période. Des chiffres bien inférieurs cependant à l'augmentation de ce mois d'août.

Notons que ce graphique intègre non seulement les cessations d'inscriptions - celles mises en cause aujourd'hui - mais également les radiations administratives, qui surviennent lorsque le chômeur "manque à ses obligations". Si les premières sont en hausse de 38%, les secondes baissent de 25% sur un mois [>> le détail des chiffres ici , dans le premier tableau].

Cette nuance permet d'être précis : la baisse du nombre d'inscrits à Pôle Emploi en août n'est pas le fait d'une vague de radiations. Leur nombre était par exemple similaire l'année précédente, à la même époque.

La Dares dit ne pas comprendre pourquoi tant de chômeurs ne se sont pas actualisés en août. A priori pas de bug informatique qui empêcherait leur enregistrement ou de "changement dans les règles d'actualisation". Pour Michel Sapin, il s'agit de simples variations statistiques, comme il en existe chaque mois :

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Il y a chaque mois des mouvements statistiques qu'on pourrait commenter à l'infini.

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> Pour autant, peut-on dire que la baisse du chômage est totalement factice ?

Non. Contrairement à ce que dit l'opposition, cette explosion troublante des non-actualisés n'explique pas à elle seule la baisse du chômage.

Tout d'abord, il y a eu précisément 48.300 arrivées en moins à Pôle Emploi en août par rapport à juillet, soit un peu plus de 9% de personnes n'ayant pas besoin de s'inscrire. En cause : moins de licenciements, de démissions, de fins de CDD ou de missions d'intérim. Bref, les salariés ont davantage gardé leurs contrats.

Il y a également eu davantage de reprises d'emploi déclarées. Par rapport à juillet, 4%de chômeurs supplémentaires ont retrouvé un job. Un chiffre cependant très variable qui peut de nouveau diminuer le mois prochain.

Au final, le boom des non-réinscriptions a embelli la courbe du chômage pour ce mois d'août 2013, portant même à croire qu'elle s'inversait, mais la dynamique de retour vers l'emploi, ou de sauvergarde de l'emploi, est bien réelle pour cette fin d'été.

Du rab sur le Lab

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