DOUBLE – FACE– Le 10 juillet, Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault ont présenté leur "contribution commune" en vue du congrès du Parti socialiste d’octobre. Commune mais surtout exclusive. Toute personne qui décide de la signer ne pourra plus s’engager ailleurs. Une sorte de motion avant la motion.
Officiellement, le texte est là pour "conforter l’unité" des socialistes. Derrière cette volonté de rassemblement précoce, beaucoup y voient surtout une tentative de verrouiller les voix discordantes. Tout particulièrement l’aile gauche du PS. Désormais, toute contribution supplémentaire pourra être perçue comme un affront.
"Il faut qu'ils verrouillent et que pas une tête ne dépasse"
Sur Le Figaro
Ils l’annoncent, "main dans la main" : Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault s’allient pour présenter une "contribution générale commune" en vue du congrès du Parti socialiste en octobre. Dans le vocabulaire socialiste, une contribution est une première étape avant de présenter une motion. Tous les courants au sein du parti peuvent en rédiger une jusqu’au 18 juillet et un socialiste peut signer plusieurs contributions.
Sauf que la contribution proposée par le duo Aubry/Ayrault diverge sur ce point crucial : elle est exclusive. Pas question d’aller voir ailleurs une fois qu’on y a apposé sa signature : comme une motion avant la motion. Chacun doit donc désormais bien réfléchir avant d’oser présenter un texte différent, avec le risque d’être perçu comme un adversaire de l’unité socialiste. C’est tout le sens de leur annonce :
Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault proposent à l’ensemble des dirigeants du PS, comme aux membres du gouvernement, de soutenir de façon exclusive cette contribution générale. Elle sera ouverte à tous ceux, élus et militants, qui le souhaitent.
Notre congrès doit être un moment de débats comme cela est le cas dans un parti démocratique, mais doit aussi conforter notre unité alors que les Français attendent tant de nous.
Traduction : la contribution Ayrault/Aubry est celle de l’unité, suivez-la. Une initiative pas très appréciée à la gauche de la gauche. Le maire du 14e arrondissement de Paris, Pascal Cherki, ironise rapidement sur twitter :
J'invite M. Aubry et JM. Ayrault à signer la contribution générale que je rédige avec Benoît Hamon et d'autres dirigeants et élus du PS.
Car, oui, l’aile gauche du PS – notamment le courant "Un monde d’avance" - a bien l’intention de faire valoir son point de vue sans qu’on leur impose une ligne commune à quatre mois du congrès. Eux aussi proposent une contribution, menée par Benoit Hamon et Henri Emmanuelli. Jérôme Guedj, membre du courant, juge l’initiative du duo malvenue :
Une contribution générale avec soutien exclusif, c’est une motion avant l’heure.
Or l’aile gauche du PS n’est pas prête à se positionner si tôt sur une éventuelle motion. La contribution était le moyen pour eux de prendre le pouls des militants avant le congrès. Le secrétaire général d’Un monde d’avance, Guillaume Ballas, l’expliquait dans Le Figarole 10 juillet:
Le débat sur la motion est intranchable pour le moment. Il faut attendre fin août. On ne connaît pas les conditions politiques de la rentrée.
Si cette motion est regardée comme un acte de défiance vis-à-vis du gouvernement, les militants ne la voteront pas et cela nous fera reculer de dix cases.
En imposant une contribution exclusive, Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault accélèrent ainsi le temps des motions et réduisent le champ du débat. Ce qui fait dire à la sénatrice de l’aile gauche Marie-Noëlle Lienemann :
Ça ne fait rien, c'est plus fort qu'eux, il faut qu'ils verrouillent et que pas une tête ne dépasse.