En rhétorique, on appelle ça une prétérition : dire qu’on ne parlera pas d’un sujet tout en en profitant pour en parler. C’est l’artifice de langage privilégié par Emmanuel Macron ce jeudi 2 avril pour répondre à la charge d’Arnaud Montebourg sur son action à Bercy et sur la ligne économique du gouvernement.
Dans le style imagé qu’il affectionne, ce dernier s’est démarqué nettement de son successeur dans un entretien aux Echos du jour : "Je préfère la ruche industrieuse et protubérante aux haies taillées au cordeau des jardins à la française". Réplique du jardinier Macron au micro de BFM Business :
Quand on est un responsable politique, il y a une élégance et un principe républicain qui est qu’on ne commente pas ce que fait son successeur. Et moi je considère qu’on n’a pas à commenter ce que dit son prédécesseur. Donc moi, je m’en tiendrais à cette élégance et à cette politesse républicaine. Dans la vie, avoir quelques règles de comportement, ça aide toujours à mieux vivre.
Sauf qu’Emmanuel Macron ne se contente pas de cette petite leçon de savoir-vivre. Foin de politesse républicaine, l’ex-conseiller de François Hollande se paye les "34 plans de la Nouvelle France industrielle" lancés en 2013 par son devancier pour stimuler les secteurs innovants et voués à être réformés par ses services :
34 priorités, ça veut dire qu’il n’y a plus de priorité. N’importe quel chef d’entreprise qui nous écoute aujourd’hui sait qu’il n’a pas 34 priorités (…). Donc on les regroupe en quelques 'solutions' industrielles (une dizaine, NDLR), parce que je préfère ce terme à celui de plan.
Le businessman Montebourg, qui se targue de délaisser la politique pour la vraie vie entrepreneuriale, appréciera l’allusion au bon sens du "chef d’entreprise".
"Plus d’efficacité, moins de bruit ?", interroge alors le journaliste Stéphane Soumier pour résumer la méthode Macron. Lui :
C’est vous qui le dite, ça me va comme formule.
[BONUS TRACK] À mon tour
La prétérition est en tout cas une formule appréciée pour les duels à fleurets mouchetés. "Je ne veux pas m’exprimer sur le travail de mon successeur", répond ainsi Arnaud Montebourg aux Echos à propos de la loi "croissance et activité" d’Emmanuel Macron. Avant de se faire plaisir :
Mon objectif, quand j’ai lancé ce projet de loi, était de s’attaquer à la rente et aux privilèges. Si j’étais resté en place, je n’aurai pas cédé face aux corporatismes des professions réglementées, et je n’aurais pas renoncé à certaines protections des salariés, qui ont fait perdre au gouvernement sa majorité sur ce texte.
Lors de l’examen de son texte à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron s’est vu reprocher par la droite d’avoir fait trop de concessions aux professions réglementées et par la gauche d’avoir insuffisamment pris en compte les droits des salariés. Des critiques qui ont finalement forcé l'exécutif à recourir au 49.3 pour faire adopter le projet de loi.