Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens l'ont dit dès le 18 juin au soir, après les résultats des élections législatives : du fait de l'abstention record (57%), la majorité LREM n'aurait "pas la légitimité" pour mener, entre autres, la réforme du code du travail par ordonnances (qualifiée de "coup d'État social"). Et Emmanuel Macron, élu en grande partie pour faire barrage à Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, n'aurait pas reçu "l'onction populaire" pour appliquer son programme. Partisans de la révocation des élus, y compris du président de la République, les Insoumis poursuivent aujourd'hui dans cette logique en essayant de crédibiliser l'hypothèse "d'élections anticipées" qui pourraient leur permettre de prendre le pouvoir "avant 2022".
C'est la rentrée et les cadres de la France insoumise ont visiblement profité de l'été pour repartir sur les mêmes bases (élevées) qu'avant les vacances, prêts à continuer à incarner "la véritable opposition" à Emmanuel Macron alors que les ordonnances doivent être rendues publiques jeudi 31 août et que des manifestations sont prévues en septembre. Sur Europe 1 ce mardi, Alexis Corbière martèle que "les Français ne veulent pas" de cette réforme, "pas plus qu'ils ne voulaient de la loi El Khomri" adoptée à la fin du quinquennat Hollande. Et le député LFI de Seine-Saint-Denis de développer cette idée d'élections anticipées :
"- Alexis Corbière : Il pourrait y avoir dans ce pays une situation où le gouvernement et le Président de la République, à juste raison, considèrent qu'il faut peut-être des élections anticipées, voire un référendum.
- Patrick Cohen : Qu'est-ce qui pourrait provoquer des élections anticipées ?
- Alexis Corbière : S'il y avait par exemple des mobilisations sociales qui se multiplient, des sondages qui le scotchent en-dessous de 10%... La dernière année de monsieur Hollande, vous auriez été choqué à l'idée que monsieur Hollande dise au bout d'un moment, 'voilà, je vais soumettre à référendum la loi El Khomri et si c'est un non, je m'en vais' ? Il peut y avoir un moment démocratique ou celui qui est en responsabilité dit 'je ne vais pas jusqu'au bout'.
"
Rarissimes en France, les "élections anticipées" ne correspondent qu'à deux cas de figure : la vacance du pouvoir exécutif, soit la démission (comme de Gaulle) ou le décès (comme Pompidou) du Président ; la dissolution de l'Assemblée nationale, comme l'avait tentée Jacques Chirac en 1997, avec le résultat que l'on sait.
>> À relire : Mélenchon dresse pour Macron la liste des réformes que les Français approuveraient selon lui
S'il ajoute que "ce qui provoque des mouvements de rue, c'est le gouvernement, c'est la politique du gouvernement", Alexis Corbière invite donc les Français à manifester le plus possible leur mécontentement, jusqu'à pousser l'exécutif à renoncer à ses projets, voire à convoquer des élections législatives. Pratique, puisqu'il y a justement deux manifestations contre la réforme du code du travail prévues les 12 et 23 septembre, cette dernière à l'appel de la France insoumise...
Ce scénario d'une prise de pouvoir en plein quinquennat sert donc aussi les intérêts immédiats du mouvement de Jean-Luc Mélenchon, qui a installé un bras de fer avec l'exécutif dès le lendemain de la présidentielle pour se poser en premier (et presque unique) opposant. Ce week-end à Marseille, lors des universités d'été de la France insoumise, l'ancien candidat à la présidentielle et sa porte-parole, Raquel Garrido, avaient d'ailleurs eux aussi développé cette idée d'élections anticipées :
Nous sommes conscients de nos responsabilités. Nous sommes prêts à gouverner demain matin s'il le faut.#JLMMarseillehttps://t.co/xmT64WiMHz
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 27 août 2017
Dans un scénario rêvé, les Insoumis réussissent leur coup. A minima et dans l'immédiat, ils tiennent là un bon argument pour mobiliser leurs sympathisants et orchestrer une rentrée sociale mouvementée. Et continuer à occuper le terrain.
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