La mémoire sélective de Nathalie Kosciusko-Morizet sur les prévisions de croissance

Publié à 12h16, le 02 janvier 2013 , Modifié à 12h42, le 02 janvier 2013

La mémoire sélective de Nathalie Kosciusko-Morizet sur les prévisions de croissance
Nathalie Kosciusko-Morizet en juin 2012. (Reuters)

Fatigue du réveillon ou mauvaise foi ? Interrogée mercredi 2 janvier sur France Inter, Nathalie Kosciusko-Morizet a été victime d'un épisode d'amnésie partielle. Désireuse de montrer que le gouvernement actuel augmentait trop les impôts et ne réduisait pas suffisamment les déficits, la députée-maire de Longjumeau a déclaré au cours de la démonstration :

Aujourd'hui, dans le budget, on sait que les prévisions du budget sont insincères.

Elles sont fausses.

Or cet "optimisme" budgétaire n'est pas propre à François Hollande. L'ensemble des gouvernements français le pratiquent allègrement, ce que Patrick Cohen, qui interrogeait l'ancienne ministre de l'Ecologie et du développement durable, n'a pas manqué de faire remarquer. Sans se démonter, NKM rétorque alors :

Prenez l'année 2011, qui est le dernier exercice complet d'une législature de droite. Les chiffres qui ont été recalés étaient justes, y compris les chiffres du déficit puisqu'on avait annoncé 4,7%, de mémoire, et qu'on a fait 4,2%.

La croissance sur l'année 2011 a effectivement été de 1,7% selon l'Insee, et c'était effectivement ce que le gouvernement français avait prévu. Du moins dans un second temps... Car jusqu'en septembre, la prévision officielle était en fait de 2%, et même de 2,5%, chiffre annoncé en août 2010 par le président de la République lui-même.

A proprement parler, Nathalie Kosciusko-Morizet ne ment pas sur l'exercice 2011 puisqu'elle parle effectivement de chiffres "recalés". Elle compare donc des chiffres qui ont encore le temps d'être ajustés, et d'autres qui l'ont déjà été plusieures fois.

Par ailleurs, il n'a pas du échapper à celle qui était la directrice de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 que ses prévisions de croissance, comme celle du candidat socialiste François Hollande, avaient toutes deux été relativisées par le FMI : 1% de croissance en 2013 selon le FMI, contre 1,7% pour François Hollande... et 1,75% prévue par Nicolas Sarkozy.

Et l'on pourrait répéter la démonstration sur chaque exercice, comme en 2012, où la croissance anticipée par François Baroin, le ministre de l'Economie d'alors, a été de 2,25% en août 2011, de 1% en novembre de la même année, avant de tomber à 0,5% en janvier 2012. Après deux trimestres de stagnation et un à 0,2% de croissance, cette dernière pourrait même être encore plus faible.

2010 était un cas particulier, puisque le gouvernement avait a contrario sous-estimé les prévisions de croissance. Le budget a été voté avec une prévision de croissance à 0,75% alors que cette dernière a été d'1,5%.

Mais en 2009, François Fillon avait lui-même reconnu que "depuis deux ans, à chaque fois que nous avons révisé nos prévisions d'activité, c'était à la baisse". Avant de nuancer : "cette fois, on va les réviser à la hausse." Mais cette annonce d'une récession moins grave que prévue, à -2,25% au lieu de -3% n'a en fait pas été traduite dans les faits.

En fait, cet optimisme est terriblement répandu, au point d'avoir été théorisé - et dénoncé - par deux économistes. Pour les auteurs du rapport "sur-optimisme des prévisions officielles dans l'Eurozone et risques fiscaux", cet optimisme est dommageable puisqu'il implique de minimiser des dépenses qui existeront, et de surestimer des rentrées fiscales qui n'arriveront jamais. En bref, de préparer un budget par essence en déséquilibre.

Le gouvernement a tablé sur une croissance à 0,8% pour le calcul du budget 2013. Jusqu'à nouvel ordre...

Du rab sur le Lab

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