La nouvelle intox de Marine Le Pen sur le refus du Parlement européen d'enquêter sur LuxLeaks

Publié à 13h57, le 19 janvier 2016 , Modifié à 13h57, le 19 janvier 2016

La nouvelle intox de Marine Le Pen sur le refus du Parlement européen d'enquêter sur LuxLeaks
Marine Le Pen © PATRICK HERTZOG / AFP

NEVER ENDING STORY – Marine Le Pen énonce parfois  des contre-vérités susceptibles de confirmer cette idée que tout le monde il est pourri. Nouvel exemple ce mardi 19 janvier. La présidente du FN est au Parlement européen. Là, pour la clôture de la présidence luxembourgeoise, la cheffe frontiste parle de l'affaire LuxLeaks, cette politique fiscale ultra-avantage menée par le Luxembourg afin d'attirer les multinationales, révélée en 2014.

Elle dit :

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Nous n'en saurons guère plus sur cette scandaleuse affaire puisque les députés européens ont décidé de l'enterrer en refusant toute commission d'enquête parlementaire. Silence, on triche, on dépouille, on dépouille les pays européens de leur matière fiscale. Tous les contribuables honnêtes, PME et particuliers, doivent payer plus d'impôt pour compenser ce pillage organisé par le Luxembourg et d'autres paradis fiscaux et cette triste Union européenne ne fait rien pour arrêter cela.

 

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Une prise de parole relayée par le Front national et à voir ci-dessous :



Marine Le Pen explique donc que "les députés européens ont décidé de l'enterrer en refusant toute commission d'enquête parlementaire" sur LuxLeaks. Vous voyez le tableau : l'Union européenne, qui prive déjà la France de toute souveraineté, est pourrie jusqu'à l'os et ne veut pas enquêter sur un scandale avéré.

Sauf que c'est faux.

Certes, Marine Le Pen n'a pas tout à fait tort quand elle explique que le Parlement européen a refusé de créer une commission d'enquête sur le sujet. Au début de l'année 2015, quelques semaines après les révélations sur LuxLeaks, la conférence des présidents du Parlement européen avait en effet décidé qu’il n’y aurait pas de commission d’enquête sur ce dossier. Mais pas pour enterrer le sujet. Non, non. Les experts juridiques du Parlement européen estimaient que la proposition de création de commission d’enquête  ne n'identifiait pas clairement les infractions visées. Mais le dossier n'est pas tombé dans les oubliettes .

Le Parlement européen a en effet décidé la création d'une commission spéciale. Voici ce que déclarait le président du Parlement Martin Schultz, début février 2015 :

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La conférence des présidents a décidé à la majorité qu’une commission spéciale aurait plus de pouvoirs et serait plus adaptée à traiter le sujet.

 

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Dans les faits, comme l'indiquait le site Euractiv.fr à l'époque, une "commission spéciale a moins de pouvoir, mais peut se pencher sur des sujets plus larges". Elle n'a accès qu'aux documents européens alors qu'une commission d'enquête peut avoir accès à tous les documents nationaux.

Reste qu'une commission a bien été ouverte sur le sujet. Les députés européens n'ont donc pas enterré LuxLeaks comme l'affirme ce 19 janvier Marine Le Pen. En décembre dernier, cette commission a même émis plusieurs recommandations contre la fraude et l'évasion fiscale.

La présidente du FN aurait pu être au courant : Bernard Monot, eurodéputé frontiste et stratégiste économique du Front National, avait écrit un communiqué , le 26 février 2015, sur cette commission d'enquête. Et voici ce qu'il écrivait :

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La Commission spéciale du Parlement européen sur les rescrits fiscaux, autrement appelée commission sur l’affaire des 'LuxLeaks', a tenu sa première réunion constitutive aujourd’hui. Le Front National a réclamé cette initiative et participera attentivement aux travaux, qui seront présidés par le très européiste Alain Lamassoure (UMP).

 

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Bernard Monot avertissait également que "les députés FN seront très vigilants sur cette subite et opportune volonté de moralisation politique", désireux que cette commission spéciale ne devienne pas "un prétexte pour imposer l'union fiscale".

Les eurodéputés FN devaient être "très vigilants" ? Apparemment, tout le monde n'a pas reçu le message.

Le 15 janvier 2016, quatre jours donc avant la déclaration de Marine Le Pen devant le Parlement européen évoquée plus haut, l’eurodéputé allemand Fabio de Masi a saisi la Cour de justice de l'UE pour demander l’accès à l’intégralité des documents en possession de la commission spéciale du Parlement européen.

La méthode utilisée par Marine Le Pen n'est pas neuve. Remplacez "LuxLeaks" par "Daech" et "Parlement européen" par "Parlement français" et vous obtiendrez une intox semblable de la part de la présidente frontiste.

En décembre dernier, sur Europe 1, Marine Le Pen avait en effet assuré que le Parlement venait de refuser de faire une enquête sur le financement de Daech . "Pourquoi ? Parce qu'ils ont peur de tomber sur les Turcs ?" s'était-elle interrogée.

L'Assemblée nationale avait bien rejeté, le 3 décembre, une proposition de résolution "tendant à la création d’une commission d’enquête relative au financement de Daesh". Mais la présidente du FN a  *oublié*de préciser que les députés avaient acté, mardi 1er décembre, "la création d’une mission d’information portant sur les moyens dont bénéficie l’organisation terroriste Daech" .

Contrairement à ce qu'affirmait Marine Le Pen, les députés allaient donc bien se pencher sur le financement de l'organisation terroriste.

Du rab sur le Lab

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