POUR TOI PUBLIC - Avec plus ou moins de virulence et de régularité, une grande partie des candidats à la présidentielle ont adopté une stratégie offensive face aux médias et aux journalistes. Il faut croire que s'en prendre à la presse doit être électoralement payant. Et si ce genre de discours anti-médias n'est pas nouveau, il est de plus en plus fort et généralisé au sein de la classe politique française.
Au cœur de l'affaire des emplois fictifs présumés de son épouse, François Fillon a par exemple très sensiblement musclé sa rhétorique en la matière, dénonçant le "lynchage" dont il serait victime de la part du "tribunal médiatique" (sans compter les attaques de son camp contre les médias qui feraient campagne pour Emmanuel Macron). Des mises en cause souvent (paradoxalement ?) proférées lors d'interviews télévisées ou de conférences de presse retransmises en direct sur les chaînes d'info et abondamment relayées.
Mais dès la campagne pour la primaire de la droite, l'ancien Premier ministre jouait sur ce registre, quoique bien moins violemment. François Fillon ironisait alors volontiers sur la presse, obnubilée par les sondages et le duel annoncé entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, et dénonçait ses "caricatures" à l'encontre de son programme. Des sept candidats à l'investiture de LR, celui qui prétend ne pas incarner "le système" (alors qu'il est élu depuis qu'il a 27 ans) était probablement le plus sec avec les journalistes qui animaient les débats télévisés d'avant-premier tour et d'entre-deux-tours, leur reprochant de ne pas suffisamment aller au fond des sujets.
Et tout cela collait plutôt bien avec son histoire et sa trajectoire, lui qui n'a jamais entretenu de proximité ni de familiarité avec les médias. Dans Le Monde samedi 11 mars, son ancien directeur de campagne démissionnaire, Patrick Stefanini, explique que cette stratégie d'opposition frontale a aussi été validée parce que cela "plaisait beaucoup aux électeurs de droite" :
"Pour les débats télévisés, on lui avait conseillé de tenir tête aux journalistes car on s’était aperçu que cela plaisait beaucoup aux électeurs de droite.
"
Pour tout dire, on s'en était un peu rendu compte. Car les supporters fillonistes répercutent aujourd'hui sereinement les attaques contre une presse présentée en adversaire politique, qui se ferait le relais plus ou moins complice de la volonté du "pouvoir" d'"abattre" leur champion, voire qui serait carrément membre d'un grand complot contre lui. Dans les meetings du candidat, il arrive désormais que des journalistes soient non seulement hués mais comparés à des "nazis" qui conduisaient les juifs à Auschwitz, qu'ils soient traités de "collabos" ou qu'on leur souhaite de se faire "démonter la gueule".
On ignore si cela "plaît beaucoup" à François Fillon. On peut toutefois constater que le candidat à la présidentielle a fait le choix de ne pas prendre la parole pour dénoncer ces dérives.
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