"Il faut une loi globale sur le numérique". C'est ce qu'affirme le député socialiste Christian Paul, spécialiste de la question, au Lab, ce lundi 23 décembre. Il veut même inscrire dans la constitution les libertés numériques et s'en explique. La Gauche durable, collectif dont il est membre, a publié ce jour un communiqué pour évoquer "la régression numérique" dans le pays.
Selon ce collectif, composé notamment d'une dizaine de parlementaires, dont Laurence Rossignol, Barbara Romagnan, Pouria Amirshahi ou Olivier Dussopt, l'élan de la "révolution numérique" est oublié et ils estiment que "la gauche au pouvoir doit se ressaisir" :
Là, nous sonnons l’alarme. Car parmi les positions débattues depuis quelques semaines, nous flairons comme un parfum de régression. Oublié, l’élan de la révolution numérique ? Abandonnés, dix ans de combats au Parlement sur les libertés ? Négligés, des sujets en apparence techniques mais terriblement politiques, comme la responsabilité des fournisseurs d’accès et des hébergeurs ?
Ils regrettent notamment les derniers votes des parlementaires français, notamment sur la loi de programmation militaire :
Plusieurs lois en débat, même progressistes comme la loi sur l’égalité femmes/hommes, risquent de confier à des entreprises privées des pouvoirs de censure. La loi de programmation militaire, en voulant encadrer les interceptions électroniques, a été comprise comme leur légalisation généralisée et le basculement vers une société de surveillance.
Problème ? vEux aussi, ont voté cette loi. L'ensemble des élus socialistes a été solidaire sur le vote de cette loi. Un texte dont l'article 13, devenu article 20, élargit le champ d'accès aux données détenues par les fournisseurs d'accès internet et les hébergeurs. Jusqu'à présent, cet accès était cantonné à la lutte contre le terrorisme, à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisée.
Contacté par le Lab, Christian Paul s'explique sur ce paradoxe. Pour lui, dans le travail parlementaire, un député ne peut voter contre une loi dans sa globalité pour un désaccord sur un seul article :
Ce n'est pas parce qu'on est en désaccord sur un article qu'on remet en cause par son vote le vote collectif d'un groupe. Ca ne se passe pas comme ça au Parlement. On ne vote pas forcement contre une loi, en plus une loi de programmation militaire, pour un article.
Et il reconnait deux erreurs, sur ce texte :
Il y a eu deux erreurs : mettre ces sujets dans la LPM qui auraient dû faire l'objet d'une loi à part, et sur le fond, les sénateurs qui ont fait cet amendement ont voulu encadrer des pratiques qu'il est nécessaire d'encadrer, mais avec une mauvaise rédaction.
Christian Paul reste positif sur les éléments de la loi de programmation militaire. Pour lui, la gauche peut encore revoir sa copie. "C'est un texte qui s'applique au 1er janvier 2015, il y a un an pour réécrire ce texte", lâche-t-il, plaidant pour une nouvelle loi. Lui défend l'idée d'une loi globale sur le numérique :
La loi de programmation militaire sert de signal d'alerte, mais il y a d'autres sujets. Ca demande de la part du groupe majoritaire des initiatives, des missions d'information. Le gouvernement serait bien inspiré de mettre en chantier un texte sur les libertés numérique, vu la relative confusion ces derniers mois, cela ferait du bien.
Une loi globale sur les enjeux du numérique, ça éviterait de voir arriver ces questions au compte gouttes, avec les libertés numériques, la neutralité du net, la question culturelle.
Le député de la Nièvre souhaite même inscrire certains principes des libertés numériques dans la Constitution :
Il faut du numérique dans chaque ministère et dans la bouche de chaque ministre. Le numérique à l'école, c'est chez Vincent Peillon, la fiscalité, c'est le ministre du Budget, la question de la Culture, c'est Aurélie Filippetti. Mais il y a une question de libertés numériques, avec des principes qui devraient trouver place dans la Constitution, des principes de base. La question de la neutralité du net en est une.
Dans la Constitution, la liberté d'accès, déjà consacrée dans la décision Hadopi du Conseil constitutionnel, la neutralité, la protection des données personnelles, l'ouverture des données publiques pourraient trouver leur place.
"Si on tire un peu plus loin, il y a aussi le droit à l'information, qui va plus loin que la liberté d'accès", précise-t-il. Christian Paul souhaite "fonder le droit du numérique" et installer le numérique "dans l'ensemble des politiques publiques".
A défaut d'être entendu là dessus, Christian Paul mise sur deux rendez-vous de 2014, comme il l'avait fait dans une tribune publiée par PC Inpact, la loi sur le renseignement qui devrait être examinée au début de l'année ou celle sur les libertés numériques, de Christiane Taubira, dont le calendrier est encore flou.