A en croire Valérie Pécresse, le gouvernement vient de découvrir l’intérêt du crédit impôt recherche, une mesure 100% UMP, et veut en mettre à toutes les sauces. Dans sa bouche, cela sonne comme un énième ralliement socialiste aux idées de son parti.
Un peu trop gros pour être vrai ? Tout à fait. Non seulement le crédit impôt recherche (ou CIR) tire ses racines d’une initiative du gouvernement de Pierre Mauroy en 1983, mais, en plus, les socialistes ont toujours adhéré à son principe. Le Lab vous détaille ce bobard.
Mesure 100% UMP volée par le PS ?
Sur Le Figaro
Ces derniers jours, Valérie Pécresse répète régulièrement que le gouvernement actuel est en plein retournement de veste concernant le crédit impôt recherche (CIR). Rappelons qu’avec cette mesure, les entreprises peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt de 30% sur leurs dépenses en recherche et développement, avec un plafond de 100 millions d’euros. Le 31 août, François Hollande a annoncé que le CIR serait "préservé et élargi à l’innovation, notamment dans les PME".
Ce qui fait dire à l’ancienne ministre du Budget dans Le Figaro le 3 septembre :
Vendredi [31 août] François Hollande a expliqué que le crédit impôt recherche était une formidable idée et qu’il allait l’amplifier. Tant mieux, puisque c’est nous qui l’avons mis en place.
Mais les Français doivent être conscients que François Hollande, député de Corrèze, avait voté contre à l’époque.
Mais aussi sur France 2 le même soir :
Nous avons fait le crédit impôt recherche (…) Le triplement du crédit impôt recherche, vous ne l’avez pas voté. Aujourd’hui vous nous dites que c’est la panacée en matière de compétitivité économique.
Le CIR, une mesure 100% UMP, volée par un gouvernement socialiste qui l’a toujours combattue ? C’est ce que Valérie Pécresse veut faire croire. C’est loin d’approcher la réalité. Détaillons.
> Qui a mis en place le crédit impôt recherche ?
(Pierre Mauroy en 1984 - Maxppp)
Le CIR a déjà quelques belles années derrière lui puisque sa première mise en place date de … 1983. A l’époque, c’est le gouvernement de Pierre Mauroy, socialiste donc, qui le lance de façon provisoire, pour inciter les entreprises à investir en recherche et développement. Le dispositif est reconduit d’année en année et est assez complexe à mettre en œuvre.
La paternité de l’idée n’est donc pas à mettre dans le camp de la droite. C’est par contre l’UMP qui a pérennisé définitivement le CIR en 2004. Dès 2000 sous Lionel Jospin, les gouvernements successifs ont voulu le rendre plus accessible, mais aussi plus incitatif pour les entreprises.
> Les socialistes sont-ils de farouches opposants ?
(Laurent Fabius en 2006 - Maxppp)
Valérie Pécresse a raison lorsqu’elle dit que le PS a voté contre le triplement du CIR fin 2007. Et pour cause : cette mesure était noyée dans l’ensemble du projet de loi de finance pour 2008 contre laquelle l’opposition a dit "non".
Mais lorsqu’on se plonge dans le détail des débats de l’époque, on voit que les socialistes ont une bonne opinion du CIR. C’est même le seul élément du projet de loi qui trouve grâce à leurs yeux. Illustration avec cette intervention du député apparenté socialiste, Dominique Baert :
Je le dis d’emblée, je ne voterai pas ce projet de budget. D’abord, il n’est pas le bon pour la croissance économique. A-t-il d’ailleurs la moindre ambition à cet égard ? Hormis le crédit impôt recherche, qu’y a t-il pour stimuler la consommation ou l'investissement ? Rien.
Laurent Fabius souligne son utilité, et propose de l’axer davantage sur les PME :
On pourrait, pour améliorer notre compétitivité, aller plus loin dans le crédit impôt recherche – car on sait que les grandes entreprises n’en ont pas besoin : il faut le concentrer sur les PME.
Et c’est cette ligne que va tenir le Parti socialiste les années suivantes : éviter les effets d’aubaines qui profitent aux grands groupes et recentrer le CIR sur les petites et moyennes entreprises. Mais aucunement le supprimer. C’est également l’axe défendu par François Hollande durant la campagne dans ses 60 engagements :
Rendre le crédit impôt recherche plus simple et plus accessible pour les PME.
C’est enfin ce qu’il a répété le 31 août dans son discours de Châlons-en-Champagne :
Le crédit d'impôt recherche, qui a fait la preuve de son utilité, sera préservé et élargi à l'innovation, notamment dans les PME, en contrôlant bien sûr la pertinence et la qualité des investissements qui y sont engagés.
Valérie Pécresse ne peut donc pas répéter que le gouvernement s’est pris d’amour pour une mesure made in UMP sans tomber dans la caricature.
> Le PS va-t-il vraiment faire évoluer le crédit impôt recherche ?
(Fleur Pellerin avec Laurence Parisot à l'université du Medef - Maxppp)
Un point reste en suspens, sur lequel l’ancienne ministre du Budget pourrait appuyer sans se tromper : François Hollande va-t-il vraiment faire en sorte d’empêcher les effets d’aubaine tant décriés lorsque les socialistes étaient dans l’opposition ? Ou le fait que 6% des plus grosses entreprises se partage près de 60% de l’avantage fiscal en volume ? Fleur Pellerin a fait un premier pas de côté sur ce sujet à l’université d’été du Medef, mais ça c’est une autre histoire expliquée ici.
[Info repérée grâce à @Versac]