L'énorme coup de gueule de Rachida Dati, qui dénonce "une cabale politique" contre elle et promet de "ne plus se taire"

Publié à 11h02, le 14 mai 2015 , Modifié à 11h26, le 14 mai 2015

L'énorme coup de gueule de Rachida Dati, qui dénonce "une cabale politique" contre elle et promet de "ne plus se taire"
© AFP

TEMPÊTE - Ce sont neuf minutes presque ininterrompues d'une véhémence rare. Sur iTÉLÉ jeudi 14 mai, Rachida Dati est furieuse. Et le mot est faible. Colère pure. Hors d'elle, l'eurodéputée UMP dénonce "une cabale politique" à son encontre, orchestrée notamment par "l'entourage de Nicolas Sarkozy" qui veut "l'abattre". "Trop, c'est trop", "maintenant ça va", "stop" : Rachida Dati promet, menaçante, de ne plus "[se] taire", de "parler". Et joint le geste à la parole, citant quelques noms, multipliant les contre-attaques et sous-entendus.

De quoi est-il question ? Comme l'a révélé Le Point mercredi, la Cour des Comptes a rendu une décision par laquelle elle invalide près de 9.000 euros de factures de frais de réception et de représentation liés au ministère de la Justice lorsque Rachida Dati l'occupait. "Vêtements de luxe" (foulards Hermès notamment), "consommation de boissons ou de repas, d'achats de pâtisseries, de journaux, de produits de pharmacie, etc." : ce sont 8.985,87 euros de factures payées en 2008 qui sont en cause. Cette somme ne devra cependant pas être remboursée par Rachida Dati herself mais par l'ancien comptable du ministère de la Justice, car c'est l'administration et non l'ex-ministre qui est tenue pour responsable. 

L'ancienne garde des Sceaux s'est déjà défendue mercredi, expliquant par communiqué : "Le ministère de la Justice ne m'a jamais financé de dépenses personnelles ou acheté un quelconque vêtement. Lorsque j'étais ministre, je ne vivais pas au ministère et mes dépenses personnelles étaient financées sur mes deniers personnels."

Invitée d'iTÉLÉ ce jeudi, le langage est donc BEAUCOUP moins policé. Rachida Dati ouvre totalement les vannes et fait parler la foudre, répétant que tout ce qui a été rapporté par Le Point et son journaliste (un "merdeux", pour reprendre ses mots) est "faux et archi-faux". Elle va d'ailleurs "bien sûr" porter plainte pour diffamation. Voici la retranscription de ces neuf minutes lors desquelles le journaliste Bruce Toussaint aura eu toutes les peines du monde à poser quelques questions.

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- Rachida Dati : Il y a l'aspect technique et l'aspect plus politique. Je n'ai jamais rien dit. On m'avait proposé d'écrire des livres, de révéler des choses, j'ai toujours refusé. Parce que ce n'est pas mon genre, je ne suis pas dans les années 40 ou 30 en France. Voilà. Mais maintenant, trop c'est trop. Je veux qu'on me laisse tranquille, on veut me faire passer pour quelqu'un de bling bling, le fric, le truc léger, la futilité... Stop.



J'ai fait des réformes importantes au ministère de la justice qui ont été reconnues. La Cour des comptes dit : 'Il y a des dépenses qui sont liées au fonctionnement du ministère qui n'ont pas été imputées comptablement'. Ça n'est absolument pas, du tout, des dépenses qui me concernent. Donc ça c'est la première chose. La décision ne me concerne pas. Ça suffit. Je ne suis pas une voleuse, je ne vis pas sur la bête, je n'ai jamais, jamais vécu au ministère de la Justice et jamais le ministère de la Justice ne m'a pris en charge une dépense personnelle. Jamais. Même aujourd'hui comme maire, nous avons des frais de représentation, je dois être une des rares maires à ne pas les utiliser.



Le Point, c'est pas la première fois. Je l'ai déjà fait condamner, parce qu'ils ont pas des journalistes, c'est des merdeux qui prennent des ragots, des rumeurs et des poubelles, et en font des papiers. Qu'on veuille m'abattre, qu'on veuille m'éliminer de la vie politique, ça n'est pas la première fois.



- ITÉLÉ : Qui veut vous abattre ?



- Rachida Dati : Non non attendez, stop. Stop, stop, stop. Là maintenant, il y a une cabale politique, ça n'est que le début. J'en ai parlé avec Nicolas Sarkozy. Maintenant, j'en appelle à ceux qui me veulent du bien de faire cesser ça. Parce que je ne me laisserai pas faire. Je ne me laisserai pas faire, ni salir. Toute ma vie, j'ai été honnête, ma probité n'a jamais été en cause. J'ai été magistrat. Mes dépenses personnelles, je les prends toute seule. Ce que je gagne... je paye mes dépenses personnelles. Je n'ai besoin de personne pour me prendre en charge une quelconque dépense.



- ITÉLÉ : Est-ce que vous me permettez de vous poser une question ? Qui veut vous abattre ?



- Rachida Dati : Je vais vous dire : ça n'est pas l'opposition, qui fait en ce moment de la victimisation de certaines ministres pour des raisons liées à leurs réformes. Moi si vous voulez, je n'ai jamais rien dit, y compris quand je regarde vos images où vous montrez mes vêtements - mais je les paye mes vêtements ! Mais ma vie, je l'assume. Vous croyez que je suis assumée par un ministère ou un organisme ? Mais arrêtez d'être complice de ces caricatures et de ces clichés ! Ça suffit, voilà. Ça suffit. Je me suis toujours assumée, et ça continuera. Mais si on veut qu'on parle, on va parler ! S'agissant des dépenses de communication, je voudrais que vous invitiez monsieur Giacometti (proche conseiller de Nicolas Sarkozy, dont la société GiacomettiPéron est concernée par une enquête du pôle financier sur les dépenses de sondages et de communication sous le gouvernement Fillon, ndlr) parce que ces dépenses de communication ne concernent pas le cabinet ou le ministre, ça concerne les administrations. Monsieur Giacometti a récupéré des marchés sur les ministères à l'insu de certains ministres, dont moi. Donc monsieur Giacometti va aller s'expliquer pour les dépenses de communication ou de stratégie qu'il mettait en place pour les administrations. Elles ne me concernaient pas. Donc maintenant ça suffit, maintenant ça s'arrête.



J'en ai parlé à Nicolas Sarkozy, je sais que son entourage... Rappelez-vous en 2010, [elle hausse le ton, ndlr] ILS ONT failli me faire tomber, ils n'ont pas réussi parce que la justice a été de mon côté. Je ne renoncerai sur rien, je ne reculerai sur rien. Mais on ne mettra pas en cause ni mon honnêteté ni ma probité.



- iTÉLÉ : Deuxième question : c'est la Cour des comptes qui parle, c'est pas un fanzine !



- Rachida Dati : Non. Je suis magistrat, la Cour des comptes indique très clairement... Monsieur Toussaint, vous n'avez pas lu la décision, d'ailleurs le journaliste lui-même qui a écrit ce papier pourri ne l'a pas lue. [...] La Cour des comptes dit quoi ? Elle dit : 'Il y a des dépenses qui sont liées au fonctionnement du ministère - pas au fonctionnement du ministre - qui n'ont pas été imputées sur les bonnes lignes comptables. Elle ne dit pas que les dépenses ne sont pas bonnes, qu'elles sont fausses, qu'elles sont indues, qu'elles sont pas régulières. Jamais dans cette décision n'est inscrit ce genre de choses.



- iTÉLÉ : C'est la nature des dépenses qui...



- Rachida Dati : La nature des dépenses n'a pas été mise en cause.



- iTÉLÉ : On parle de foulards Hermès...



- Rachida Dati : Ce sont des cadeaux, comme tous les autres ministères...



- iTÉLÉ : Qui vous a fait ces cadeaux ?



- Rachida Dati : Il m'est arrivé, à une ministre anglaise de la Justice, d'offrir, au titre du ministère, un foulard Hermès, vous avez raison. Parce que les cadeaux, c'était essentiellement des produits français que j'offrais effectivement à des personnalités, que ce soit une cravate au ministre américain de la justice, ça peut arriver, ça peut être un objet, ça peut être une oeuvre artistique, voilà. Ça c'est comme pour tous les autres ministres. Demandez aux autres ministres quels sont leurs budgets cadeaux au titre de la représentation.



- iTÉLÉ : Quelles suites judiciaires allez-vous donner ?



- Rachida Dati : Je dépose plainte contre Le Point que j'ai déjà fait condamner, que j'ai déjà fait condamner au pénal.Là je vais faire la même chose. Monsieur Gernelle (directeur de la rédaction du Point, ndlr) a couvert ce merdeux de journaliste qui m'appelle un quart d'heure avant comme un procureur pour me dire 'voilà ce que je vais écrire contre vous, je n'ai pas lu la décision'. C'est inacceptable. [...] Je suis très détendue mais là trop c'est trop.



- iTÉLÉ : Dernière chose : les conséquences politiques.



- Rachida Dati : J'en ai parlé avec Nicolas Sarkozy ce matin, voilà, je lui ai fait passer le message ce matin.



- iTÉLÉ : Que vous a-t-il dit ?



- Rachida Dati : Ça, ça me concerne. Parce que je pense que c'est de nouveau que le début. Je ne laisserai pas faire. Voilà. Donc si ils veulent me faire passer, comme certains d'ailleurs dans l'entourage de monsieur Sarkozy, me qualifier de voleuse de poule, d'arabe, de beurette, certains me traitant de zoubida, ça va, maintenant stop ! Sans vous parler des attaques sexistes. Donc maintenant, ça va ! Si on veut me ramener sur le fric, le bling bling et autres, ça va, ça n'est pas le cas. Ils n'ont jamais rien rien payé me concernant sinon ça se saurait et sinon vous en auriez fait état et il y a certains journaux habilités à ça qui l'auraient fait très bien. Donc maintenant, ça suffit.



Mon avocat était monté au créneau, je ne souhaitais pas réagir parce que je considérais que c'était de l'ordre du droit, mais maintenant c'est de l'ordre de la politique donc maintenant, stop.



- iTÉLÉ : Vous dites que vous avez eu Didier Migaud (premier président de la Cour des comptes, ndlr), que vous êtes-vous dit ?



- Rachida Dati : Mon avocat doit saisir l'avocat général de la Cour des comptes pour qu'on précise quelques lignes concernant cette décision qui ne me met pas en cause ni comme ministre, ni à titre personnel. Jamais des vêtements n'ont été achetés par le ministère pour moi. JA-MAIS. Et puis l'histoire des robes, mais pourquoi vous ne demandez pas à madame Lagarde, à madame Alliot-Marie, toutes ces femmes ministres qui sont...



- iTÉLÉ : La Cour des comptes n'a jamais rien dit sur elles...



- Rachida Dati : En tous cas, si ça concerne le comptable du ministère, ça ne concerne pas Rachida Dati. Mais c'est tellement facile.... Vous savez c'est comme les cotisations liées à l'UMP (voir ici, ndlr), de nombreux parlementaires - je pourrais vous donner des noms - ne payent pas leurs cotisations en contestation d'une ligne politique, d'un comportement ou d'un fonctionnement. Est-ce que vous en avez parlé une seule fois sur vos antennes ? Jamais.



Donc ça va. Donc si vous voulez, si vous pouviez oublier un petit peu Rachida Dati, ça me ferait, moi en tous cas, beaucoup de bien mais là, maintenant je ne me tairai plus. Sur ce type d'affaires, je ne me tairai plus. Je me suis tue pendant cinq ans, j'ai laissé faire beaucoup d'ordures, maintenant ça va quoi. Les caricatures, les clichés, les moyens de m'abattre, maintenant ça va quoi. Ça me permet, je voulais pas parler ce matin, [mais] je le fais volontiers.

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Rachida Dati : "Il y a une cabale politique"par ITELE

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