VOUS DÉCONNEZ TOUS BEAUCOUP TROP - Croyez-le ou pas, mais Alain Juppé et Nicolas Sarkozy sont encore capables de tomber d'accord. De temps en temps, sur des sujets de fond. Ponctuellement aussi, sur des indignations. Et il est un fait qui irrite tout autant les deux favoris de la primaire de la droite : la "dérision" généralisée, plus particulièrement dans les médias, et qui plus est sur le service public.
Dans son livre de campagne, Tout pour la France (Plon), Nicolas Sarkozy consacre un développement à la question de l'audiovisuel public. Un sujet culturel inséré dans le chapitre sur "le défi de l'identité", dont il veut faire l'un des marqueurs de la prochaine présidentielle. Très critique quant à la multiplication de chaînes de télévision, notamment d'info en continu, l'ancien Président estime que cela a "conduit au mimétisme et au nivellement des grilles". Selon lui, et à son grand regret, "il n'a jamais été aussi difficile de trouver des émissions culturelles, de théâtre, de musique et même de variété".
Et le même de dresser ce triste constat, qui s'applique aussi bien aux chaînes privées que publiques :
"Se laisser aller au zapping donne une idée assez précise quant à la variété des programmes proposés. Trop souvent, la différence entre les programmes du public et ceux du privé sur les grandes chaînes généralistes est notoirement insuffisante. La dérision, la polémique, l'investigation racoleuse ont trop souvent pris le pas sur la découverte, la science, la culture.
"
Cette fichue "dérision", Nicolas Sarkozy y revient vers la fin de son livre, dans son chapitre sur "l'autorité". Il y voit l'une des causes du manque de "crédibilité" de "la parole politique". Il écrit :
"Qui croit encore aux paroles, aux discours, aux promesses dans notre démocratie ? Plus personne ou presque. Les médias en ont fait un jeu dangereux avec la dérision systématique. Les citoyens n'ont plus confiance.
"
On pourrait aisément rétorquer que le fait que ces "paroles, discours et promesses" des responsables politiques ne soient *pas toujours* traduites en actes ou respectées n'y est pas totalement étranger non plus, mais on ne voudrait pas verser dans une "dérision" ou une "polémique" malvenue. Et on ne parle pas des formats journalistiques volontairement décalés et caustiques auxquels de nombreux politiques se plient avec joie, y voyant une belle opportunité de communiquer autrement et de travailler leur image.
À noter que certains formats humoristiques gardent les faveurs de Nicolas Sarkozy. Il ne dit jamais non à un peu de rigolade avec Nicolas Canteloup, par exemple. Quant aux blagues et autres exercices de "dérision" qui ont pu rapprocher ses meetings du stand-up, son talent en la matière n'est plus à démontrer.
Quoi qu'il en soit, Alain Juppé est globalement d'accord avec cette colère sarkozyste. En début d'année, il avait estimé que les réseaux sociaux étaient "parfois la poubelle du monde" et ajouté :
"On est en permanence dans l’esprit de dérision. Mais pardon, les grands médias n’y sont pas pour rien. Qu’est-ce qu’on peut entendre tous les matins ! Une dérision parfois bête et méchante principalement de la classe politique. Personne n’y échappe d’ailleurs.
"
Et ne croyez pas que c'est sa supposée froideur qui lui fait dire cela. Alain Juppé est tout à fait capable de déconner quand il en a envie. Simplement, on ne peut manifestement pas le faire tout le temps ni avec n'importe qui.
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