Parlementaires : les sites étrangers pourront publier les patrimoines, c’est la source qui trinquera

Publié à 15h44, le 19 juin 2013 , Modifié à 15h44, le 19 juin 2013

Parlementaires : les sites étrangers pourront publier les patrimoines, c’est la source qui trinquera
Najat Vallaud-Belkacem (Capture d'écran).

L'HEURE D'INTERNET - Y a-t-il une faille dans le projet de loi sur la transparence ? Les députés ont voté mardi 18 juin l'article concernant les déclarations de patrimoine des parlementaires qui pourront être consultées en préfecture "par les citoyens"  mais pas publiées. Peine encourue en cas de publication : un an de prison et 45.000 euros.

Mais qu'en est-il des sites étrangers, non soumis au droit français, qui publieraient ces informations ?

Interrogée à ce sujet par Le Lab ce mercredi 18 juin, lors du compte-rendu du conseil des ministres, Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, a souligné que les personnes sanctionnées seront celles qui sont allées chercher l'information en préfecture et les auront transmises à un média.

Autrement dit, la faute incombe à la source du média étranger, obligatoirement française :

L’amende, et donc la sanction, se porte sur celui qui divulgue les informations, celui qui aura été matériellement consulter la déclaration de patrimoine en préfecture, et non pas sur le site qui lui ouvrirait sa page.Voilà comment nous nous défendrons contre ce type d'abus.

Mais comment savoir qui a consulté les données en préfecture ? Grâce aux "registres" sur lesquels chaque citoyen, ou "lanceur d'alerte" selon l'expression consacrée dans la loi, devra s'inscrire lorsqu'il voudra avoir accès aux déclarations de patrimoine de son élu :

Il va y avoir un registre des personnes qui seront venues consulter les déclarations de patrimoine. Et lorsque investigation il y aura, il permettra de trouver qui a donné ces informations qui ne devaient pas être données.

Lors du débat en séance, Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement, s'est engagé à "la tenue d'un registre" et a promis de mettre ces dispositions dans la procédure réglementaire qui définira précisément les modalités de cette consultation. 

La faille a été soulevée par certains journalistes, à l'image d'Erwann Gaucher qui souligne sur son blog ce 19 juin que "les journalistes belges et la presse suisse francophone pourront se faire plaisir".

Dans l'opposition, l'UMP a également relevé la faille, au point d'en devenir un élément de langage. A l'image de Bernard Accoyer qui, lors de la discussion générale le 17 juin, a lancé :
 

Qui peut croire que ces déclarations de patrimoine désormais consultables par tous les électeurs de la circonscription ne se retrouveront pas dans la presse après avoir transité par des sites hors de France ou par des tracts anonymes ?

Christian Jacob, n'a pas dit autre chose, le 4 juin, devant la presse :

La possibilité de consultation des déclarations de patrimoine, un an avant les municipales, va alimenter tous les tracts anonymes possibles ou les publications sur internet ; ça va être tout et n'importe quoi.

 
Selon des propos rapportés par Le Canard Enchaîné de ce mercredi 19 juin, le chef de l'État est lui aussi conscient de cette façon de contourner la loi :

Les informations sur le patrimoine des élus ne seront pas diffusables, c'est un fait. Mais qui empêchera un citoyen de les faire circuler sous la forme d'un tract anonyme ou depuis un site Internet situé à l'étranger ?

Un François Hollande d'autant plus critique sur ce point que son projet de loi initial prévoyait de rendre publiques toutes les déclarations sur le site de la Haute autorité de la transparence. Mais ça, c'était avant d'être retoqué par les parlementaires de la majorité.

Delphine Legouté et Paul Larrouturou

Du rab sur le Lab

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