AFFAIRE CAHUZAC - Invité de France Inter ce 7 février, Pierre Moscovici, ministre de tutelle de Jérôme Cahuzac, a confirmé la demande adressée par son ministère aux autorités suisses pour rechercher les traces de son évasion fiscale présumée. Une sorte d'enquête parallèle dont le ministre de l'Economie prend même la pleine responsabilité en s'exprimant à la première personne. Et pour cause : cette "contre-enquête" participerait à démontrer l'innocence du ministre.
"C’est vrai que j’ai demandé, comme ministre, que jouent des mécanismes d’entraide fiscale qui existent depuis 2009 avec la Suisse, que nous avons pu faire jouer dans le cas d’espèce.
J’ai reçu un document que j’ai transmis à ceux qui sont en train de mener aujourd’hui une information judiciaire.
"
Mercredi, le Nouvel Observateur a révélé l'existence de cette demande par Bercy aux Suisses. En clair, parallèlement à l'enquête préliminaire menée par le procureur de Paris pour "blanchiment de fraude fiscale" - et sans prévenir ce procureur, selon Le Parisien - Pierre Moscovici a lancé sa propre enquête.
Comme l'explique l'hebdomadaire, depuis 2009, le fisc français est en mesure de demander des informations à la Suisse concernant des contribuables soupçonnés d'évasion fiscale, comme Jérôme Cahuzac, dans le cadre d'une "assistance administrative".
Dans le cas du ministre du Budget, cela a donc permis à Pierre Moscovici de vérifier si - à défaut d'ouvrir un compte chez UBS - il en avait fermé un en février 2010, comme l'affirme Mediapart. Et de transmettre cette précieuse information au procureur.
Sur France Inter ce 7 février, le journaliste s'interroge. Un ministre qui demande des éléments d'enquête sur un autre ministre, le fisc, service de l'Etat, qui agit sur demande du gouvernement au sujet d'un membre de ce gouvernement ... n'y a-t-il pas là un conflit d'intérêt ?
Sans surprise, Pierre Moscovici s'en défend avec pour simple argument : ce n'est pas Jérôme Cahuzac qui a supervisé cette démarche.
"Jérôme Cahuzac est le ministre délégué auprès de moi, il n’est pas intervenu dans cette procédure, il s’est déporté et a fait en sorte que la responsabilité soit exercée par moi-même qui n’a aucun conflit d’intérêt.
"
Quant au contenu de ce document, il dit ne pas "pouvoir le communiquer" au nom du secret fiscal ... tout en faisant bien comprendre que le résultat est positif pour son ministre :
"Je n’avais pas de doute sur le résultat que pouvait engendrer cette procédure. Ce doute n’a pas été ébranlé.
"
Un "banquier fin connaisseur du système helvète" explique cependant au Parisien que, "même s'il a eu un compte en Suisse, ce compte n'aurait sans doute pas été ouvert à son nom".
Selon l'enquête de Mediapart, Jérôme Cahuzac a transféré des fonds détenus sur un compte en Suisse en 2010 pour Singapour.