A FOND SUR LA FORME – Si le Conseil constitutionnel a retoqué la loi Duflot sur le logement social, c’est uniquement en raison d’une erreur dans la procédure. Une erreur survenue au Sénat et déclarée non-conforme au regard de la révision constitutionnelle de 2008.
Sincérité des débats parlementaires
Interrogé sur Canal sur un éventuel "flottement" qui aurait entraîné l’invalidation par le Conseil constitutionnel de la loi Duflot sur le logement social, la députée socialiste Karine Berger a défendu son institution :
Sans vouloir accuser mes petits camarades, c’est le Sénat qui a commis une erreur de forme.
Le fond n’a pas été remis en cause. La démarche de la loi est maintenue.
Et de répéter :
C’est une question de forme.
Ce qui est vrai. Le Conseil constitutionnel a bien invalidé la loi à cause d’une erreur de procédure.
Qu’ont dit les Sages dans leur communication ?
Considérant que les sénateurs et députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ; qu'ils mettent en cause les conditions d'examen du projet de loi par la première assemblée saisie, qui ne respecteraient pas les articles 29, 39, 42, 44, 45 et 51-1 de la Constitution non plus que l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
Un manquement à la clarté et à la sincérité des débats parlementaires : c’est bien sur ce point que les sénateurs de l'UMP et de l'Union centriste et républicaine (UCR) ont déposé en commun un recours au Conseil constitutionnel après l'adoption définitive, mercredi 10 octobre, du projet de loi sur la mobilisation du foncier public et le logement social.
En effet, la révision constitutionnelle de 2008, impulsée par Nicolas Sarkozy et votée par certains parlementaires de gauche, voulait rendre toute sa place au Parlement dans le régime de la Ve République.
Parmi les nouveautés du travail parlementaire, le premier alinéa de l’article 42 de la Constitution que rappelle le Conseil constitutionnelle dans sa décision :
La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie.
Or, dans ce cas d’espèce, c’est le texte présenté par le gouvernement qui a été discuté en séance au Sénat. Et non le texte modifié et amendé issu des travaux en commission. La faute à un manque de "méthode", comme l’a souligné Cécile Duflot. Mais aussi la faute à une trop grande précipitation.
Les Sages rappellent ainsi la chronologie des faits qui ont abouti à ce que la loi soit retoquée : la commission permanente du Sénat a été saisie le lundi 11 septembre. Elle a amendé le texte dans la matinée de ce même jour, adoptant "le projet de loi ainsi modifié". Le soir même, les sénateurs se saisissaient du texte en séance public. Mais pas du bon texte.
Le Conseil constitutionnel a ainsi estimé que le projet de loi finalement voté par le Parlement avait été "adopté selon une procédure contraire à la Constitution".