Si près et pourtant si loin. Il n’a manqué que deux toutes petites voix de rien du tout pour que la motion de censure contre le gouvernement portée par des frondeurs du PS, les communistes et des écologistes ne soit effectivement déposée. Deux voix à chercher du côté des proches de Martine Aubry, opposés à une grande partie de la loi Travail et à la politique économique du couple Hollande/Valls, mais sans pour autant aller jusqu’à la vraie rupture.
"Pour faire quoi derrière ? Provoquer une dissolution et permettre le retour de la droite ?" s’est justifié le bras droit de la maire de Lille, François Lamy, dans les colonnes du Parisien de ce jeudi 12 mai. Et d’ajouter que l’ex-patronne du PS n’était pas franchement fan de "la politique du pire" :
"Martine Aubry n’est favorable ni à la politique du pire, ni à la scission du PS.
"
Le même François Lamy ajoute dans les colonnes du Figaro, comme pour mieux insister et faire passer son message :
"C’est une posture (la motion de censure, ndlr). Nous ne voulions pas rajouter de la division à la division.
"
Mercredi soir, sur iTélé , Jean-Marc Germain, député PS proche aussi de Martine Aubry, a aussi expliqué la démarche intellectuelle qui l’avait amené à ne pas ajouter sa voix à celles voulant potentiellement faire chuter le gouvernement de Manuel Valls :
"J’ai été tenté de déposer une motion de censure parce que je suis contre cette loi. Je pense qu’elle n’est pas utile pour les entreprises et dangereuse pour les salariés et parce que je suis contre le recours au 49.3. C’est un archaïsme de la 5è République. En même temps, la colère est mauvaise conseillère et j’ai raisonné. Il faut voter avec sa tête et pas avec ses tripes. La censure, c’est un sabre de bois. Ça n’a renversé qu’un seul gouvernement. C’est un outil qui ne fonctionne pas et j’ai considéré qu’il ne fallait pas passer 24h de plus…
"
Une décision qui a plu aux proches de Manuel Valls. Ainsi le sénateur vallsiste Luc Carvounas a-t-il souligné le sens "des responsabilités" de Martine Aubry et ses amis.
Vote sur la Motion de censure. Je souligne la responsabilité et le sens de l'unité de @MartineAubry@lamy_f et de leurs amis.
— Luc Carvounas (@luccarvounas) 12 mai 2016
Du côté des frondeurs, on l’a un peu en travers de la gorge d’être passé si près. Et forcément, on accuse les aubrystes d’avoir fait échouer la démarche, y voyant un remake du congrès de Poitiers en 2015 quand les proches de la maire de Lille avaient finalement rallié la motion majoritaire de Jean-Christophe Cambadélis et Manuel Valls. "C’est Poitiers bis !" regrette "un socialiste" auprès du Parisien.
Pourtant, du côté des plus loyalistes de la majorité, on voit plutôt un échec volontaire de la motion de censure. Christophe Caresche estime ainsi qu’en terminant à deux voix des 58 nécessaires pour déposer la motion, les frondeurs ont fait "tout ça de manière bien réfléchie" afin de marquer le coup médiatiquement et politiquement, sans pour autant risquer de sanction. "On ne peut pas sanctionner un acte de rupture qui n’a finalement pas été commis et ça permet de faire beaucoup de théâtre", peste le député PS de Paris de l’aile droite du parti. Il ironise également de la même manière dans le Figaro :
"S’ils ne sont que 56, c’est bien pour éviter le désagrément d’une sanction.
"
Surtout quand la sanction peut être une non-investiture aux prochaines élections législatives. Qui auront lieu dans à peine plus d’un an.
[BONUS TRACK] On remet ça ?
Pour Pascal Cherki, député PS frondeur cité par le Figaro , l’échec de la tentative de motion de censure est… très encourageant. "Putain, on a manqué la motion de deux voix. On monte le truc à l'arrache et on n'est qu'à deux voix!", expliquait-il après le vote. Et d'ajouter :
"Le gouvernement aurait tort de considérer que le problème est derrière lui. S'il y a d'autres 49-3, on pourra passer.
"
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